12 décembre 2012
Dès la fin du 19e siècle, Boris Nikolaïevski et Antonio Labriola (voir les notes biographiques en fin de texte ; NdT) étaient convaincus– et ils n’étaient pas les seuls – que l’œuvre de Marx était destinée à être mal interprétée et à subir une infinité d’erreurs, d’équivoques et de mauvaises lectures. Mais ils croyaient aussi que quelque chose de pire encore attendait l’œuvre marxienne : s’incarner en orthodoxie dogmatique dans des partis ou dans des Etats qui s’en réclameraient.
Labriola soulignait un autre obstacle, encore plus profond et dangereux : la rareté même des écrits disponibles de Marx et l’impossibilité de compter sur des éditions fiables. Le lecteur intrépide devait passer, selon Labriola, par (...)
5 décembre 2012
Le « Manifeste du parti communiste » est sans aucun doute le texte le plus connu, le plus lu et le plus diffusé de Karl Marx. C’est surtout le plus cité dans les mémoires de militants, ce qui donne une idée de son impact sur le mouvement ouvrier. Son succès éditorial ne s’est jamais vraiment démenti, au point qu’on le trouve aujourd’hui en langue française chez plusieurs éditeurs simultanément. Pourtant, son tirage initial n’a pas excédé 500 exemplaires, soit approximativement le nombre d’adhérents de la Ligue des Communistes à l’époque.
La rédaction du manifeste fut achevée à Londres en février 1848, c’est-à-dire un mois avant l’éclatement de la révolution en Allemagne. Il fait suite à de nombreux débats au (...)
21 novembre 2012
La bataille de Stalingrad constitua un tournant militaire, psychologique et politique de la Seconde guerre mondiale. Après l’échec de la prise de Moscou en 1941, l’Allemagne nazie subissait sa seconde grande défaite stratégique. En démontrant que les troupes fascistes n’étaient pas invincibles, la victoire de l’Armée rouge renforça et stimula de manière considérable la résistance au nazisme dans toute l’Europe occupée, tout en démoralisant une partie de l’armée allemande. Cette bataille titanesque commença en juillet 1942 et se termina en février 1943 avec la reddition de la 6e Armée allemande encerclée dans la ville de Stalingrad. Cette dernière était la première ville industrielle de l’URSS et comptait (...)
, 15 novembre 2012
« De tout ce qui existe, c’est le peuple que j’aime le plus », telle fut la devise de Henriette Roland-Holst (1869-1952), décédée il y a tout juste 60 ans. Poétesse renommée dans son pays, elle fut aussi une militante socialiste appartenant à l’aile la plus radicale du parti social-démocrate hollandais du début du XXe siècle, ceux connus sous le nom de « tribunistes », du nom de leur revue « De Tribune ». Internationaliste convaincue, elle soutint pendant la Grande Guerre de 1914-1918 les thèses de Trotsky à la Conférence de Zimmervald (1) et joua un rôle actif dans la fondation du Parti communiste hollandais, où elle fera partie du courant « conseilliste » (2) en étroite collaboration avec Herman Gorter, (...)
11 novembre 2012
Henry Ford (1863-1947) fut le fondateur de la Ford Motor Company et y introduisit le système du travail à la chaîne. Son nom est lié au « fordisme », production en masse de biens bon marché allant de pair avec de hauts salaires pour les ouvriers. Ford avait une vision globale, dans laquelle la consommation était la clé d’une vie heureuse. Il était fortement opposé aux syndicats ; ce n’est qu’en 1941, comme dernier fabricant d’autos de Detroit, qu’il a reconnu l’United Auto Workers Union.
De 1920 à 1927 il a sponsorisé un hebdomadaire qui, à côté d’autres articles discutables, défendait des points de vue fortement antisémites. Ce journal publia aussi les outrageants « Protocoles des Sages de Sion ». En (...)
4 novembre 2012
Parler de George Orwell, de son œuvre, et rappeler qu’il fut également partie prenante de la guerre d’Espagne en s’engageant dans les milices du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) n’est pas chose nouvelle. Mais la force du livre (*) de Louis Gill, c’est la clarté avec laquelle il expose sa thèse centrale : Georges Orwell s’est inspiré directement de son expérience pendant la guerre d’Espagne pour écrire La Ferme des Animaux et 1984. Le vocabulaire même de ses livres, les concepts qu’ils développent et leurs intrigues reproduisant l’opposition entre Trotsky et Staline, doivent tout à l’expérience d’Orwell en Espagne.
L’ouvrage est découpé en deux parties. La première offre une synthèse (...)
, , 24 octobre 2012
Silvia Federici est professeure à la Hofstra University de New York et militante féministe depuis les années 1960. Son œuvre aborde la philosophie et la théorie féministe, l’histoire des femmes ou, plus récemment, l’impact des politiques du FMI et de la Banque mondiale en Afrique qu’elle a pu étudier de près après un long séjour au Nigeria. Mais Federici est surtout connue pour ses études détaillées sur les processus d’expropriation des corps et des savoirs, sur l’histoire de la chasse aux sorcières et sur les questions reproductives. Ce sont les thèmes qui sont au cœur de son ouvrage : « Caliban and the Witch : Women, the Body and Primitive Accumulation ». (Caliban et la sorcière : Femmes, corps et (...)
, 14 octobre 2012
L’Europe est devenue le maillon faible du capitalisme mondial. La crise économique et financière a débouché sur une crise des dettes publiques, aggravée par la nécessité pour les États capitalistes de renflouer des banques dont les bilans débordent de créances « pourries ». À son tour, cette crise de la dette a provoqué une crise de la zone euro, désormais menacée dans son existence même. Bousculée par la mondialisation capitaliste, l’Europe fait aussi et surtout face à ses propres contradictions.
Europe, l’introuvable unité
Le constat est désormais partagé par tous. La crise économique qui dévaste les économies capitalistes frappe avant tout l’Europe et son maillon faible – les pays du sud du continent. Tout (...)
10 octobre 2012
Ministre de l’industrie à Cuba de 1962 à 1965, Ernesto Che Guevara s’est longuement interrogé sur les éléments à conserver et à détruire après la révolution, dans la perspective de construire une nouvelle économie socialiste. La publication en français (*) d’une partie de ses réflexions et des discussions au sein du ministère de l’Industrie illustre les préoccupations principales du Che dans cette phase de transition qui voit Cuba exproprier les grandes compagnies étrangères et par conséquent supprimer la base matérielle du capitalisme sur l’île.
Mais supprimer la propriété privée des moyens de production ne signifie pas que les relations marchandes sont abolies, ni que la division du travail est dépassée. Sur (...)
, 2 octobre 2012
L’historien marxiste Eric Hobsbawm est décédé ce premier octobre à l’âge de 95 ans, après toute une vie consacrée à l’étude de l’histoire du capitalisme, des mouvements sociaux ou encore du nationalisme. Membre du Parti communiste britannique pendant de longues années, il n’a pas échappé, comme tant d’autres, à une certaine forme de justification du stalinisme dans les années ‘50, même s’il est revenu de manière critique sur ce passé. Dans le monde francophone, la très grande valeur de ses travaux d’historien marxiste commencera à être reconnue à partir des années ’70, avec son histoire sociale du banditisme (« Les Bandits » , Maspero, 1972, réédité en 2008 par les éditions Zones) et par le premier tome de sa vaste (...)