Mika Etchebéhère (1902-1992) : Capitaine de milice du POUM

Pepe Gutiérrez-Álvarez 4 décembre 2013

Militante révolutionnaire et féministe infatigable, seule femme à la tête d’une unité combattante dans l’armée républicaine pendant la Guerre civile espagnole, un récent film documentaire (projeté actuellement au Festival du Film de Mar del Plata en Argentine) rend hommage à la figure exceptionnelle de Micaela Feldman, connue sous le nom de « Mika » Etchebéhère. Ses mémoires, intitulées « Ma guerre d’Espagne à moi » ont été publiées en français en 1998 chez Actes Sud. Dans ce texte, Pepe Gutiérrez-Álvarez, qui l’a connue pendant le Mai 68 à Paris, évoque cette femme hors du commun qui, de Buenos Aires à Madrid, en passant par Berlin et Paris, n’a « rien lâché » alors qu’il était « minuit dans le siècle ». (Avanti4.be)

Nous sommes à la fin des années ‘60 à Paris, en pleine révolte étudiante. Avec les autres participants inexpérimentés des débats surchauffés de la rue d’Aubriot, je mis un certain temps à savoir que cette petite dame menue et discrète qui intervenait avec un léger accent argentin et tellement de pondération dans les polémiques, portait le nom étrange de Mika Etchebéhère (Santa Fe, Argentine, 1902 - Paris, 1992). Et qu’elle avait vécue une vie exceptionnelle…

Quelqu’un nous a raconté que Mika avait étonné les insoumis du Quartier Latin en leur proposant de les aider à dresser des barricades de pavés contre le « vieux monde ». Son apparence n’était pas précisément celle d’une « enragée », mais bien d’une honorable grand-mère de 66 ans. A tel point que, quand elle retourna chez elle chercher des gants pour aider à la construction des barricades, elle se heurta soudainement à une féroce patrouille de flics qui l’admonestèrent pour se promener ainsi sur un lieu aussi dangereux. Et les policiers de la raccompagner aimablement jusqu’à son domicile…

Quand elle parlait de ces choses, Mika montrait un sens aigu de l’ironie et riait jovialement. Elle semblait ne pas accorder plus d’importance à cela, elle qui poursuivait la même voie prise depuis sa jeunesse agitée, militant aussi bien contre le franquisme, contre la dictature militaire argentine, ou pour soutenir la candidature présidentielle d’Alain Krivine.

Mica Feldman

Dans son magnifique portrait biographique [1], Horacio Tarkus nous parle en détail de Mica Feldman, alias Mika Etchebéhère. Elle était née de parents juifs russes qui avaient immigrés en Argentine, fuyant les pogroms des « Cent-Noirs » dans les ghettos de la Russie tsariste. Son enfance se déroula dans une colonie d’émigrés russes ouvertement socialiste, dont une bonne partie des membres étaient des révolutionnaires évadés des steppes sibériennes.

A 14 ans, Mika adhéra aux idées anarchistes et fit partie d’une « Association Féminine » qui portait fièrement le nom de « Louise Michel », la fameuse « pétroleuse » de la Commune de Paris. Elle avait 18 ans quand elle arriva à Buenos Aires pour étudier la médecine dentaire et entra rapidement en contact avec le groupe d’avant-garde dénommé « Insurrexit ». Celui-ci rassemblait une poignée d’universitaires socialistes de gauche et il devint une référence de premier ordre de la culture alternative dans la turbulente Argentine de cette époque.

C’est dans ce milieu progressiste qu’elle rencontra Hipólito Etchebéhère (Sa Pereira, Santa Fé, 1900-Atienza, Madrid, 1936), fils d’un Français du Pays Basque et d’une mère de Bordeaux. Elle entama avec lui une relation amoureuse digne d’un film, une histoire qui va au-delà de la mort tragique de son compagnon sur le front de la Guerre civile espagnole.

En Argentine, l’impact de la Révolution russe de 1917 toucha en premier lieu l’émigration juive et fit bouillir l’antisémitisme des réactionnaires à une époque où, selon Mika : « Etre Russe signifiait être bolchevique, révolutionnaire, c’est-à-dire responsable de la lutte que livraient à ce moment là les ouvriers d’une des plus grandes usines du pays dans une grève qui, par ses dimensions et sa détermination, faisait trembler la bourgeoisie ».

Hipólito pu en observer les conséquences une matinée de janvier 1919 en voyant, de son balcon, comment la police traînait dans la rue, attachés à des chevaux, de vieux juifs à barbe blanche sortis du ghetto de Buenos Aires. Une scène emblématique de la répression appelée la « Semaine Tragique » et consécutive à la grève qui paralysa la métallurgie et suscita une frénésie de réactions nationalistes de la part de la Ligue Patriotique, une organisation néofasciste locale.

Il s’agissait de terroriser les « criminels responsables des désordres ont provoqués par la lutte des ouvriers de Vasena ». La « troupe » formée d’« honnêtes citoyens » et de gros bras de la Ligue Patriotique entra dans les quartiers des « Russes » et les cavaliers de la police traînèrent les ouvriers au bout d’une corde. Les rues étaient maculées de sang. Pour Hipólito et Mika, ce fut le début d’un engagement révolutionnaire sans trêve et tous deux rejoignirent le jeune Parti Communiste argentin en cours de constitution.

Orateurs passionnés, bons connaisseurs des dirigeants de la Révolution d’Octobre, Hipólito et Mika maintiendront toujours un point de vue critique. Quand commença la lutte de la bureaucratie stalinienne contre Trotsky en Russie, ils n’hésitèrent pas à choisir le camp de celui-ci et furent ainsi expulsés du PC pour « trotskysme, travail fractionnel et antibolchevique ». Après cette expulsion, le couple entama un périple aventureux en Patagonie, avec le double objectif d’un repos pour soigner une tuberculose due à une santé ébranlée par des années de privations et d’activité frénétique, ainsi que pour gagner de l’argent afin de voyager en Europe.

Ce furent – écrira Mika – « nos années patagoniques, la plus grande tentation de nos vies pour rester sur ces braves terres, solitaires, battues par les vents de la côte, enclavée entre les paysages de la pré-cordillère et de la cordillère des Andes. C’était encore à l’époque des terres d’aventure, avec la possibilité de faire fortune au bout de trois ou quatre années d’un labeur libre et sans entraves en vivant au milieu de personnes qui semblaient tout droits sortis d’un roman de Jack London ».

Minuit dans le Siècle

Deux mois après la proclamation de la IIe République espagnole, le couple arriva à Madrid en juin 1931, où il partagea avec joie l’euphorie républicaine qui y régnait. De Madrid, ils gagnèrent Paris en octobre 1932, puis Berlin en pleine crise sociale, quand le dilemme entre révolution et contre-révolution était palpable dans l’atmosphère décrépie de la République de Weimar. Ils adhérèrent pendant un temps au Parti Communiste allemand (PCA) et entrèrent en contact avec le groupe de l’Opposition de Gauche (trotskyste) rassemblé autour de la plateforme « Position communiste », animée par Kurt Landau.

Mika se remémora que c’était avec l’intention de « perfectionner la langue et nous rapprocher des ouvriers » que tous deux s’inscrivirent à l’École Marxiste du PCA, « qui fut pour nous l’école où nous apprîmes à juger l’influence paralysante et néfaste de l’Internationale Communiste, fidèlement suivie par les chefs du parti. Les militants répétaient et propageaient comme des automates l’absurde interprétation du national-socialisme élaborée par l’Internationale Communiste ; ils traitaient les ouvriers sociaux-démocrates de ‘social-fascistes’. Mais ils défilaient aussi dans des manifestations tellement denses, tellement disciplinées, tellement évocatrices d’une véritable armée révolutionnaire prête au combat, qu’ils faisaient trembler la bourgeoisie ».

Ils savaient « que le PCA avait des armes, que les quartiers ouvriers étaient organisés par blocs de maisons pour la lutte. Nous assistâmes aux élections de novembre 1932 et à la perte d’un million de votes par les nazis, mais nous assistâmes aussi, quand Hitler fut appelé de la manière la plus pacifique qui soit au pouvoir par Hindenburg, à l’énorme désorientation et à la passivité que masquait le discours gauchiste du stalinisme ».

Ils découvrirent que « l’attitude des sociaux-démocrates et des communistes ne fait que renforcer la désorientation dans les rangs du plus puissant mouvement ouvrier organisé du monde. Nous sommes vaincus. Et de façon ignominieuse. Notre ancien espoir dans l’Allemagne s’éteint. Certes, il y aura des combats isolés, une terreur sanglante, une longue guerre civile (…). Les meilleurs tomberont. Avec une abnégation et un courage individuels admirables, mais avec une énorme paralysie et désorientation en tant que classe. »

Une telle déception se refléta bien entendu dans les articles d’Hipólito, publiés sous le pseudonyme de « Juan Rustico » dans la revue française « Masses », éditée par leur ami René Lefeuvre. Ils seront rassemblés dans un livre intitulé « 1933 : La tragédie du prolétariat allemand. Défaite sans combat, victoire sans péril ». [2]

La tragédie les amena à nouveau à Paris, où ils retrouvèrent Kurt Landau et devinrent amis avec un autre couple légendaire, Alfred Rosmer (1879-1962) et Marguerite Thévenet, tellement unis que l’historien Pierre Broué a dit d’eux qu’ils étaient « un militant à deux têtes ». Mika évoquera les veillées dans la grange des Rosmer à Périgny où, en 1938, aura lieu le congrès de fondation de la IVe Internationale. Les Etchebéhère participèrent en 1934 à la création de la revue « Que Faire ? », ensemble avec une poignée d’opposants de gauche du Parti Communiste français, dans un contexte de montée généralisée du fascisme en Europe. Le but de celui-ci était de mener une contre-révolution préventive pour en finir une fois pour toutes avec le mouvement ouvrier organisé.

Mika gagna quelques francs en donnant des leçons d’espagnol à domicile tandis que lui ne récupérait toujours pas de sa tuberculose. Mika le soigna. A ce moment là, ils n’étaient plus un jeune couple et ils décidèrent d’un commun accord de renoncer à avoir des enfants. Ils craignaient parfois que la révolution ne les dévore et cherchaient alors du temps pour vivre leur vie. Mais ce n’était que des parenthèses car, en 1934, ils se sentirent appelés par la Commune des Asturies et se mirent immédiatement en route. « Nous avons renouvelé nos passeports pour partir là bas. Mais la sanglante répression de ce mouvement exemplaire, si proche de la Commune de Paris par ses motivations et son développement, nous a pris de court. « Rustico » a écrit des pages magnifiques sur la lutte asturienne qui, malheureusement, disparurent à Barcelone quand les staliniens saccagèrent les bureaux du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, fondé par Andrés Nin et Joaquin Maurin, NdT) pendant les Journées de Mai 1937 », écrivit plus tard Mika, en prologue à la réédition de 1981 des témoignages d’Allemagne d’« Hippo ».

Sa guerre d’Espagne à elle

Ce dernier arriva à Madrid en mai 1936 et Mika en juillet, mais avant de pouvoir initier leur périple asturien eut lieu le soulèvement franquiste : « Nous avions à peine terminé de nous raconter notre aventures que le soulèvement des généraux fascistes éclata comme une tempête effaçant le passé et faisant naître l’espoir ». Ce 18 juillet 1936, ils se mirent à chercher des armes pour participer au combat. Ils marchèrent ensemble contre la Caserne de la Montaña avec des syndicalistes de l’UGT et de la CNT, au milieu «  de groupes de jeunes, presque des enfants, et d’hommes d’âge mûr, parmi les rumeurs et les discours, entre les chansons et les slogans, mêlés à la marée qui montait de tous les quartiers et débouchait avec fureur sur la Puerta del Sol. Nous avions tous les mains qui tremblaient, anxieuses de saisir une arme. Personne ne demandait à personne à quel parti il appartenait. La volonté de lutter avait brisé les barrières qui séparaient hier encore les travailleurs. Nous qui marchions les mains vides, nous regardions avec des yeux de mendiants ceux qui portaient déjà un fusil, une carabine, un pistolet, une ceinture de cartouches ».

Le 19 juillet, ils s’enrôlèrent dans la milice du POUM, « l’organisation politique la plus proche de notre groupe d’opposition » et ils partirent sous ses drapeaux vers le front avec une troupe de 120 membres de la Colonne Motorisée du POUM, composée par trois camions et des voitures de tourisme. Hipólito, qui avait toujours su que la défense de la révolution devait passer par la création d’une armée révolutionnaire, assuma la tâche de « commandant responsable ». Les choses étaient claires pour lui : « L’heure du grand combat était arrivée. La révolution était enfin à portée de ses mains avides. Il ne s’agissait plus de lectures, de thèses théoriques, il fallait maintenant lutter avec des armes pour la voie qu’il avait choisit depuis l’âge de 19 ans. Il combattit pendant 29 jours heureux, joyeux de risquer sa vie à chaque moment, moqueur ou sérieux quand je lui demandais de ne pas risquer de se faire tuer si ce n’était pas nécessaire. ’Celui qui commande ne doit pas se courber quand les balles sifflent’, me répondit-il. ’Tu sais que le courage physique est la qualité suprême en Espagne. Pour que les autres avancent, le chef doit marcher en premier, même s’il sait qu’il peut mourir’ ».

Il sera l’un des premiers à tomber, mais il aura eu le temps d’établir un solide leadership qu’il partage avec Mika d’une manière telle qu’elle obtiendra la reconnaissance des autres combattants en tant « qu’héritière » du commandement militaire de son défunt compagnon.

Plus tard, avec l’intégration de la milice du POUM dans l’armée républicaine, elle obtiendra le grade de capitaine dans la Division commandé par l’efficace maçon anarcho-syndicaliste Cipriano Mera. Elle fut la seule femme à occuper un tel poste de commandement au cours de la Guerre civile espagnole.

Son exemple encouragea un groupe de femmes à abandonner le Cinquième Régiment (du Parti communiste) pour rejoindre la colonne du POUM commandée par Mika. « Je suis de la Colonne Pasionaria, mais je préfère rester avec vous. Eux (les communistes staliniens) n’ont jamais voulu donner des fusils aux filles. Nous ne servions qu’à laver la vaisselle et les habits ». Hilario, un vieux milicien du POUM a des réticences et, quand l’une d’elles implora qu’on les accepte, une autre s’indigna : « Pas question de repartir. J’ai entendu dire que dans votre colonne les miliciennes ont les mêmes droits que les hommes, qu’elles ne lavent pas les vêtements ni les assiettes. Je ne suis pas venue au front pour mourir pour la révolution avec un essuie de vaisselle dans la main ! ». L’intervention de Mika, dont l’autorité est reconnue de tous, neutralise tous les préjugés.

Dans son livre « Rojas », Mary Nash fait le commentaire suivant sur cet épisode : « Au final, Etchebéhère est parvenue à convaincre les hommes d’accepter une division égalitaire des tâches dans la Colonne, mais il est indubitable que ce résultat n’a été obtenu que parce que l’officier commandant était une femme ayant une conscience féministe exceptionnelle par rapport à l’égalité des femmes ».

Une autre anecdote parmi des dizaines d’autres illustre sa capacité de commandement. Une nuit, à Sigüenza, un milicien qui devait effectuer son tour de garde s’endormit profondément. Personne ne put l’arracher de son sommeil. Mika le saisit par les cheveux avec la main gauche et le gifla de la main droite. Personne ne savait comment un homme pouvait réagir dans une telle situation, mais Mika elle-même racontera qu’ « Il me regarde fixement, un instant très bref, il se lève, prend le fusil que lui tend un camarade et s’en va d’un pas décidé vers le parapet. Quand je retourne me coucher, la pensée de ce que je viens de faire m’empêche de dormir. Pourquoi cet homme s’est-il laissé frapper ? De quelles profondeurs ignorées est sortie ma violence ? ».

En tant que femme, il lui fallut beaucoup de ténacité, de courage et de lucidité pour gagner le respect de ses hommes et ceux-ci mirent de côté leurs préjugés et la soutinrent. Cipriano Mera y a sans doute contribué quand il parlait d’elle comme d’une « femme intrépide et capable, mais peut être un peu trop ‘maternelle’ avec les miliciens sous ses ordres. Elle a déjà fait preuve d’une grande sérénité et détermination : encerclée avec d’autres camarades à Sigüenza, elle est parvenue à s’ouvrir un passage et à échapper à l’ennemi ».

Contre-révolution

Mika appliqua au pied de la lettre les règles de « Hippo » : elle se tenait toujours en première ligne dans les combats, comme ceux de Sigüenza ou sur le front de Guadalajara. Mis à part le fait d’être une femme, elle était également une « trotskyste ». La troupe ne comprenait pas toujours très bien ce que cela signifiait. Ils lisaient les accusations lancées par les staliniens et ils y comprenaient encore moins. Un jour, ils passèrent devant un mur sur lequel était peint, signé par le marteau et la faucille, un slogan disant « Si tu trouves un fasciste, arrête-le. Si tu trouves un trotskyste, tue-le ». Un grand silence se faisait dans la salle du POUM de la rue d’Aubriot quand Mika nous racontait, avec une grande sérénité, ces histoires.

Mika fut arrêtée sur le front au milieu du mois de mai 1937 (avec la persécution du POUM suite aux affrontements de Barcelone entre anarchistes et poumistes d’une part face aux staliniens, NdT) et on la conduisit dans les cellules de la Direction Générale de Sécurité (DGS) à Madrid, sous l’accusation d’être une « rebelle » vis-à-vis de la République. Heureusement, Cipriano Mera se précipita à la DGS et exposa à son directeur, Manuel Muñoz, le comportement militaire irréprochable de Mika, et souligna que derrière toute l’affaire se cachait une manœuvre stalinienne destinée à « se débarrasser de cette femme parce qu’elle est membre du POUM ». A sa libération, Mika s’intégra à l’organisation libertaire « Mujeres Libres » (Femmes Libres). L’historienne Martha A. Ackelsberg a évoqué une anecdote racontée par Amada de Nó sur le jour où Mika se présenta au siège de Barcelone des « Mujeres Libres » et où l’ont crû tout d’abord qu’il s’agissait d’un « soldat très sympathique ».

Après l’entrée des fascistes à Madrid en mars 1939, Mika fut arrêtée par une patrouille franquiste mais elle parvint à se réfugier au Collège français grâce à son passeport français. Des amis, en France, lui permirent d’être rapatriée dans un Paris désorienté par la défaite d’une grève et où elle verra une autre muraille tomber avec la décomposition du mouvement ouvrier faisant suite à la fin peu glorieuse du Front Populaire. Peu après son arrivée, en septembre 1939 la France entra dans cette guerre qu’elle avait voulut à tout prix éviter, y compris par l’abandon de la République espagnole. Le 14 juin, l’armée nazie entra dans Paris, avec tout ce que cela signifiait pour une juive argentine trotskyste.

Son unique voie de salut passa par l’Atlantique afin de retourner dans son pays natal. Elle s’installa à nouveau à Buenos Aires, où elle assista à la montée irrésistible du péronisme au pouvoir (1943) qui passa sur les restes d’une gauche révolutionnaire déboussolée. Elle ne trouva pas sa place dans un tel panorama désolant où la gauche perdait ses repaires et s’alliait avec des partis bourgeois et elle décida de revenir à Paris après la fin de la guerre, en 1946, où elle gagna sa vie en faisant des traductions.

Elle garda toujours ses convictions de trotskyste « sans adjectif », même si, avec l’âge, ce fut sans doute de manière plus discrète et mélancolique. Quand je l’ai connue à la fin des années soixante, l’histoire avait laissée en elle bien des blessures, mais elle continuait encore à lutter et à souffrir pour de nombreuses causes, notamment contre la dictature argentine, restant toujours comme celle qu’elle fut : la capitaine de milice féministe et déterminée.

Source :
www.kaosenlared.net/noticia/mika-etchebehere-alias-mica-feldman-capitana-capitana
Traduction française et intertitres pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Notes :


[1Horacio Tarkus, « Hipólito Etchebéhere y Mika Feldman, de la reforma revolucionaria a la guerra civil española », in « El Rodaballo, Revista de Política y Cultura », Nº 11/12, Buenos Aires, 2000.

[2Quelques extraits : http://www.matierevolution.fr/spip.php?article636 (note d’Avanti).