, , 14 octobre 2013
Nous reproduisons ici, dans sa version approfondie, un double argumentaire répondant à deux des clichés les plus « populaires » concernant les chômeurs. Ils ont été rédigés par notre camarade Denis Desbonnet et ont servi de base à divers encadrés figurant dans un journal gratuit distribué à des dizaines de milliers d’exemplaires le 24 septembre dernier dans les grandes gares francophones du pays.
Lequel, alternant sur vingt pages témoignages de sans emploi, analyses et démolition des préjugés les plus répandus, est une vraie mine d’informations... et de contre-information, une arme de « désintox » [1] massive pour contrer l’offensive idéologique haineuse et le matraquage patronal et libéral (mais pas seulement, hélas, certains ténors de gauche n’étant pas en reste) contre « l’assistanat » et les prétendus « fraudeurs-profiteurs ». Une démagogie visant à convaincre la population et les travailleurs que les chômeurs sont responsables du chômage, selon les deux « bons » vieux principes : « plus c’est gros, plus ça marche », et « diviser pour mieux régner ».
Cet outil très précieux s’inscrit dans la campagne menée à Bruxelles et en Wallonie et en « front commun » par les Equipes Populaires, réseau de terrain et association d’éducation permanente du Mouvement Ouvrier Chrétien, et le PAC (Présence et Action Culturelle), l’association d’éducation permanente liée au Parti Socialiste. Une coopération qui mérite d’être soulignée et saluée - a fortiori l’engagement du second, n’hésitant pas à critiquer ouvertement la politique antisociale particulièrement vicieuse menée par le Gouvernement... Di Rupo (de Coninck et Crombez...) contre les premières victimes de la crise. (Avanti4.be)
Depuis des mois, on assiste à un vrai matraquage médiatique et politique, visant à nous convaincre que les chômeurs sont des profiteurs - pour reprendre le titre d’un dossier particulièrement révoltant du journal « Le Soir » publié il y a un an - et des fraudeurs en puissance. Le gouvernement Di Rupo a même fait explicitement de « la lutte contre la fraude sociale », et tout particulièrement contre celle « aux allocations », un de ses axes prioritaires, y consacrant une large part d’un « master-plan » adopté en mai 2012. Mais qu’en est-il vraiment dans la réalité ?
Nous n’allons pas nier l’évidence : il existe certes des chômeurs qui recourent à des « expédients » de survie s’apparentant à de la fraude. Ni encore moins faire l’apologie de celle-ci : en tant qu’acteurs sociaux liés au mouvement ouvrier, nous sommes évidemment attachés à la préservation de la Sécurité Sociale et opposés au non paiement des cotisations sociales, tout comme au travail au noir. Toutefois, il faut s’entendre sur les mots : il y a fraude et « fraude » ! Et si l’on veut être sérieux, il faut répondre à trois questions : quelle est l’ampleur de cette soi-disant « fraude sociale », quelle est sa nature, et surtout, quelles en sont les causes ?
Tout d’abord, d’une manière générale, il faut souligner que même le dossier du « Soir » cité plus haut, pourtant conçu entièrement « à charge », reconnaît que, statistiquement, l’ensemble des cas de fraudes recensés parmi les chômeurs se montent à ...1,09 % ! On est donc loin des bobards qui circulent en la matière : autant dire que par rapport au budget total de la Sécurité Sociale, cela représente une paille.
En comparaison, la fraude fiscale engloutit chaque année des montants astronomiques, représentant un manque à gagner sans commune mesure pour les caisses de l’Etat, comme l’ont encore démontré les révélations sur les « Offoshre Leaks ». Mais elle continue pourtant à bénéficier d’une complaisance politique scandaleuse, via des mesures d’amnistie comme les « Déclarations Uniques »... à répétition ! Sans compter tous les « cadeaux fiscaux » aux entreprises, tels les Intérêts Notionnels, permettant à des multinationales comme le groupe Mittal – poussant au chômage des milliers de travailleurs en fermant ses usines à Liège – de ne payer quasi aucun impôt...
Mais avant tout, de quoi « accuse »-t-on les chômeurs ?
- C’est vrai, mais seulement pour une petite partie des chômeurs, on l’a déjà dit. En outre, il s’agit la plupart du temps de jobs occasionnels, dont la « paie » ne représente que des sommes totalement minimes : là encore, ce ne sont pas ces montants dérisoires qui menacent l’équilibre de « nos finances publiques » !
Ensuite et surtout, celles et ceux qui en sont réduits à accepter de tels petits boulots non déclarés le font parce que leurs allocations sont très largement inférieures au seuil de pauvreté (comme d’ailleurs pour la majorité des chômeurs et des allocataires sociaux - voir l’encadré : « Ils gagnent trop bien leur vie »). Un seuil en dessous duquel, selon la définition même de l’Union Européenne et de l’Etat belge, on ne peut pas mener « une vie conforme à la dignité humaine ». En clair, des revenus de remplacement indécents, qui ne permettent pas à ceux qui en dépendent de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, ni à ceux de leur famille : se nourrir, se loger, se chauffer, se soigner, payer les études des enfants... Et qui les contraignent donc à effectuer des « choix » entres ces différents postes de leur budget, des sacrifices indignes d’une société civilisée.
Comment s’étonner dans ces conditions que certains d’entre eux recourent à des « expédients » de survie et aillent grossir le marché parallèle du travail pour boucler leur mois ? A qui la faute ? Et peut-on décemment le leur reprocher ? Si, comme le réclame depuis 2009 la Plate-Forme pour le relèvement des allocations sociales et la suppression du taux cohabitant, l’ensemble des revenus de remplacement étaient enfin alignés au-dessus de ce seuil de pauvreté, l’essentiel de ce travail au noir disparaîtrait aussitôt !
De plus, le fait même que certains chômeurs participent à celui-ci prouve par l’absurde qu’ils ne se « complaisent » pas dans leur situation, comme on le prétend trop souvent, et qu’ils souhaitent au contraire à tout prix travailler. Et si c’est sous cette forme « irrégulière » qu’ils le font, c’est que, dans un contexte de crise et de pénurie massive d’emplois, ils ne se voient proposer que ce genre d’embauches par des employeurs sans scrupules. Car, comme le faisait d’ailleurs encore remarquer lui-même ce (tristement) fameux dossier du « Soir » : « Pour qu’il y ait travail au noir, il faut qu’il y ait un patron [...] et il n’en manque pas ».
Si on leur laissait le choix, ces chômeurs préféreraient sans aucun doute un contrat en bonne et due forme, plutôt qu’un job archi-précaire, sous-payé, à la merci de la surexploitation, comme du licenciement sans préavis ni aucune couverture sociale... mais aussi des contrôles (ou même la dénonciation auprès) de l’ONEm ou de l’inspection sociale, avec les sanctions et les conséquences sociales catastrophiques à la clé !
Enfin, il est symptomatique qu’on reproche ce (très marginal) travail au noir aux chômeurs, alors que celui-ci est par ailleurs aussi pratiqué par de nombreux travailleurs salariés en dehors de leurs heures. Et, bien plus massivement encore, par les indépendants et les PME, sans que l’on n’y trouve à redire. Il est de notoriété publique que dans certains secteurs, tels l’Horeca et la construction, les heures supplémentaires payées de la main à la main sont... monnaie courante.
En fait, ce qui dérange, ce n’est pas que des hommes et des femmes prestent ça et là quelques heures « au black », ce qui jouit d’ordinaire d’une grande tolérance, pour ne pas dire sympathie... mais le fait même qu’ils le fassent en tant que chômeurs. C’est leur condition en tant que telle qui est une fois de plus stigmatisée : quoi qu’ils fassent, ils sont fautifs. Si, poussés par leur extrême précarité, ils se décarcassent pour s’en sortir, quitte, faute d’autre possibilité, à le faire de manière « illégale »... ils sont des fraudeurs. Mais s’ils subissent leur sort sans recourir à ces échappatoires, ce sont des paresseux et des profiteurs !
L’autre forme de « fraude », certes un peu plus répandue, est représentée par les chômeurs vivant en « cohabitation » et qui se déclarent néanmoins « isolés ». Mais, là encore, la question est : pourquoi ?
La première raison, ici aussi, est évidente et du même ordre : le taux scandaleusement bas des allocations octroyées aux chômeurs cohabitants (et surtout aux chômeuses cohabitantes, car il s’agit d’une écrasante majorité de femmes qui en sont victimes, nous y revenons plus loin). En effet, ce statut de cohabitant se traduit, pour les chômeuses et les chômeurs à qui il s’applique, par une allocation réduite quasi de moitié, rendant encore plus impossible la simple survie.
Une situation qui crée souvent des tensions intolérables dans les couples et les familles. Comme cette dame qui, ayant perdu son emploi, s’est trouvée placée devant un choix inhumain : devoir se séparer de son compagnon de longue date, plus âgé et dépendant, ou continuer la vie commune mais voir alors ses revenus rabotés à un niveau intenable.
Résultat de cette discrimination : les chômeurs et chômeuses qui décident de vivre avec une ou plusieurs autres personnes sous le même toit, soit par choix amoureux, soit de plus en plus par nécessité économique (vu également la flambée des loyers), sont obligés de le faire dans une clandestinité humiliante et débilitante, s’ils veulent conserver un revenu un tant soit peu viable.
Enfin, au-delà des effets socialement monstrueux de cette législation, celle-ci représente une remise en cause inadmissible des principes fondamentaux de la Sécurité Sociale. En effet, cette catégorie de « cohabitant-e » n’a pas toujours existé dans le régime chômage, qui en fait partie intégrante. Elle n’y a été introduite qu’en 1980, pour de purs prétextes budgétaires, face à l’accroissement massif du nombre de chômeurs suite à la crise économique.
Or, ce « statut cohabitant » est basé sur l’ « état de besoin » et la « situation familiale » du bénéficiaire, soit des notions caractéristiques de l’aide sociale résiduaire octroyée par les CPAS, mais totalement contradictoires avec le principe d’assurance et de mutualisation de la Sécurité Sociale. Laquelle est censée offrir une protection en contrepartie - et uniquement en fonction - des cotisations versées par les bénéficiaires lorsqu’ils étaient travailleurs.
C’est pourquoi les organisations syndicales se sont à l’époque farouchement opposées à ce recul social, constituant une grave brèche dans les fondements mêmes de la Sécurité Sociale. Et que, en alliance avec les organisations féministes, elles réclament depuis lors avec force la suppression de ce statut discriminatoire et sexiste, et le retour à « l’individualisation » du droit au chômage, indépendamment du fait d’habiter seul ou à plusieurs [2] .
En conséquence, la « fraude » à la cohabitation est non seulement compréhensible pour des raisons économiques et de pure survie, mais elle est de plus directement imputable à cette réglementation inacceptable et « pousse-au-crime ».
C’est l’autre préjugé archi-répandu, que l’on entend régulièrement dans les conversations de café du commerce. Il est évidemment impossible de reprendre ici l’ensemble des diverses allocations que perçoivent les chômeurs et les chômeuses, dans une réglementation très complexe, avec des barèmes dépendant de nombreux critères : passé professionnel, durée du chômage, situation familiale, etc.
Aussi, nous ne donnerons donc que quelques chiffres, illustratifs de la nouvelle législation. Laquelle a d’abord remplacé les anciennes « allocations d’attente » par des « allocations d’intégration », bien plus restrictives quant à leurs conditions d’octroi, leur montant et leur durée ; puis, plus globalement, aggravé et accéléré la dégressivité de l’ensemble des allocations. Pour plus de détail, nous vous renvoyons aux sites des organisations syndicales, où vous pourrez trouver des fiches d’information et des tableaux récapitulatifs extrêmement précis.
La réglementation de l’ONEm distingue fondamentalement trois catégories de chômeurs, lesquels perçoivent des allocations plus ou moins importantes, selon celle à laquelle ils appartiennent. Par ordre décroissant : les « cohabitants avec charge de famille » (anciennement « chefs de famille »), les « isolés », et les « cohabitants ». De plus, en fonction de cette dégressivité dans le temps, le montant des allocations évolue à la baisse au cours de trois périodes : la première de 12 mois, la deuxième du 13ème au 48ème mois, et au-delà, la troisième, où un forfait minimum est désormais d’application générale.
Certains de ces montants initiaux peuvent sembler importants, relativement aux revenus de beaucoup (trop) de salariés. Mais tout d’abord, le scandale réside justement dans les salaires scandaleusement bas de ces travailleurs, et non dans ces allocations de chômage « maximales »… mais très marginales. Car, disons-le clairement : celles-ci ne valent que pour une minorité de chômeurs et chômeuses, qui en bénéficient légitimement en raison de toute une série de critères objectifs : leur statut de "chefs de famille", et/ou leur longue carrière, un salaire important pour le dernier emploi, etc.
De plus, pour chacune des trois catégories, les allocations initialement à un taux plus élevé commencent à plonger dès le quatrième mois, et continuent ensuite à le faire inexorablement : après un an, après deux ans, etc. Qui plus est, pour la grande majorité de chômeurs ne touchant que le minimum, c’est dès le premier mois qu’ils perçoivent tous un forfait « plancher »… sauf pour les cohabitants, encore plus discriminés, dont le forfait minimal initial de 700,44 € va encore diminuer graduellement, jusqu’à aboutir en troisième période à un montant de 493,74 € !
Enfin, il est vrai que le gouvernement Di Rupo a légèrement rehaussé les allocations des diverses catégories, mais seulement durant les trois premiers mois de chômage. Clairement, cette augmentation archi-temporaire n’est qu’une manœuvre qui sert à mieux faire passer la pilule amère de la dégressivité accentuée et accélérée, appliquée à l’ensemble des allocations dans les mois suivants.
On tente ainsi de nous persuader que celles et ceux qui se retrouvent momentanément au chômage peuvent l’être « de bonne foi » et contre leur gré, et méritent donc un (très petit) « coup de pouce »… Mais que s’ils y restent « durablement » (et ce, dès le quatrième mois !), c’est qu’ils seraient au mieux « nonchalants » ou « maladroits » dans leur recherche d’un nouvel emploi, au pire des parasites qui se « complairaient » dans leur situation. Et qu’il faudrait donc « les affamer pour qu’ils trouvent du travail », comme le dénonce Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB wallonne.
Pour les cohabitants ayant charge de famille :
Durant la première et la deuxième périodes :
Les plus « avantagés » d’entre eux touchent initialement 1.603,16 €, pour descendre progressivement jusqu’à un forfait de 1.112,54 €, définitif pour toute la troisième période. Mais pour les autres, c’est dès la première période qu’ils sont réduits à ce même forfait minimum.
Pour les isolés :
Durant la première et la deuxième périodes :
Les plus « chanceux » touchent eux aussi au tout début un maximum de 1.603,16 €, mais ensuite, au terme d’une vraie dégringolade, ils aboutissent en fin de deuxième période à un forfait minimum de 934,44 €. Quant aux plus désavantagés, là encore, ils touchent ce montant depuis le début.
Pour les cohabitants :
Durant la première et la deuxième périodes :
Seuls les (rares) cohabitants dits « privilégiés » (ceux qui vivent avec quelqu’un dépendant aussi de revenus de remplacement) démarrent, comme les isolés, avec 1.603,16 €. Les cohabitants « ordinaires », eux, doivent se contenter d’emblée d’une allocation de 700,44 €. Mais, au bout de quatre ans, les uns comme les autres terminent avec un forfait de... 493,74 € !
Nul besoin d’être économiste ou assistant social pour comprendre qu’avec de tels moyens, pas même de subsistance, il est impossible de mener une vie décente. Toutefois, afin de matérialiser un peu mieux le régime de famine que cela signifie pour ceux à qui il est imposé, rappelons que ces montants sont, dans tous les cas de figure, inférieurs au seuil de pauvreté. En effet, en 2010, celui-ci était établi pour la Belgique à 1.000 € mensuels pour un isolé, et à 2.101 € pour un ménage de deux adultes et deux enfants. On voit immédiatement que l’on est loin du compte...
Et encore : par définition, ces références « indicatives » sont générales et approximatives. Elles ne disent par exemple rien des ménages sans enfants, ou de ceux qui en comptent de plus de deux, ni encore moins des familles « monoparentales » (constituées à plus de 80 % de femmes seules avec un ou plusieurs enfants)... Pas plus qu’ils ne reflètent concrètement la disparité des situations individuelles : ne fût-ce que la question des loyers, le poste le plus « budgétivore » pour la plupart des ménages, variant fortement d’une région à l’autre et nettement plus chers dans les grandes villes.
Ajoutez-y que le gouvernement a également réformé le régime des ex-« allocations d’attente », qui permettaient de toucher un chômage réduit sur base des études accomplies. Une situation qui concernait non seulement des étudiant-e-s tout juste diplômé-e-s, mais également de très nombreux travailleurs et travailleuses actifs depuis des années sur le marché du travail, et pourtant « piégés » dans ce statut, faute d’avoir pu totaliser le nombre de jours de travail requis (entre un an et demi et trois ans quasi sans interruption) pour bénéficier du chômage complet indemnisé.
Désormais, pour avoir droit aux nouvelles « allocations d’insertion », il faut d’abord réussir trois évaluations positives de recherche d’emploi menées par l’ONEm, durant le stage préalable (non payé). Si on passe le cap de cette « sélection », elles sont alors accordées mais à un taux encore nettement diminué. A titre d’exemples : 1.084,20 € mensuels pour un chômeur ou une chômeuse ayant charge de famille, 801,84 € mensuels pour un-e isolé-e de plus de 21 ans, et 417,30 € mensuels pour un-e cohabitant-e de plus de 18 ans. Et pour toutes les catégories (sauf quelques rares dérogations), pour une durée maximale de trois ans.
Ce qui signifie que, dores et déjà, de très nombreux jeunes et moins jeunes, « recalés » lors de cette sélection initiale, se retrouvent sans aucune ressource et donc à charge de leurs parents, dans un phénomène d’appauvrissement général de la population, ou alors viennent grossir les rangs des allocataires de CPAS. Mais à partir de janvier 2015, première échéance de la nouvelle règle des « trois ans maximum », c’est par dizaines de milliers qu’ils seront rejoints par des allocataires d’insertion en « fin de droits »...
Non, les chômeurs n’ont pas « une vie de cocagne » ! Ils survivent comme ils le peuvent avec des revenus de misère, indignes d’un pays « développé » comme le nôtre.
Enfin, tant qu’à chercher des « parasites », « payés à ne rien faire »... si on parlait plutôt des gros actionnaires ? Pas des « petits porteurs » ayant placé leurs économies dans quelques titres en bourse, mais des « possédants » et détenteurs de grosses fortunes, qui amassent des dividendes faramineux planqués dans des paradis fiscaux, rien qu’en faisant « travailler »... leur argent ! Ou encore, des sursalaires obscènes des managers, sans compter leurs bonus et leurs parachutes dorés, même quand ils ont mené les entreprises qui leur avaient été confiés au naufrage ?
Et, puisqu’on veut à tout prix pointer du doigt des « profiteurs »... ne serait-on pas mieux inspirés de s’en prendre aux spéculateurs qui, par leur folie et leur cupidité, ont provoqué la plus grave crise du système capitaliste, dans laquelle ils nous ont tous plongés ? Car, après tout, ce ne sont pas les chômeurs qui ont provoqué le crack des « subprimes » et la crise bancaire, financière puis économique qui s’en est suivie. Quant à la faillite de Fortis et de Dexia, que nous payons à prix fort... que l’on sache, ce ne sont pas non plus les allocataires sociaux qui en sont la cause ?
Et pourtant, c’est au nom de ces « marchés financiers » irresponsables et criminels que l’on nous impose à présent des plans d’austérité tous azimuts, en commençant par des attaques contre les premières victimes de leur crise. Ces mêmes marchés financiers qui, hier, on précipité la catastrophe, et qui, aujourd’hui, spéculent de plus belle sur la Dette des Etats, gagnant ainsi sur tous les tableaux ! Dette qu’ils ont eux-mêmes creusée par le sauvetage des banques avec l’argent public – notre argent -, à coups de milliards d’euros. Mais c’est encore et toujours à nous qu’on présente la facture...
Enfin, de la Sabena et Renault Vilvorde à VW Bruxelles ou Anvers, de Keramis Boch à Ford Genk, Caterpillar et Arcelor Mittal, de Fortis à Dexia et Belfius... les milliers de travailleurs et de travailleuses qui perdent leur emploi sont-ils « responsables » de leur sort ? Évidemment, plutôt que de s’en prendre aux vrais coupables de la crise et du chômage, il est bien plus commode de lancer une chasse aux sorcières, en culpabilisant celles et ceux qui en font les frais. Ces bouc-émissaires, rejetés du système économique et ensuite jetés en pâture à l’ « opinion publique », à travers une campagne mensongère et haineuse, selon la bonne vieille tactique du « diviser pour régner »...
Citoyens, travailleurs avec ou sans emploi : méfions-nous ! Refusons de tomber dans le piège que nous tendent ceux qui licencient, ferment et délocalisent les entreprises, tout essayant de nous opposer. Personne n’est à l’abri du licenciement abusif ou des « restructurations ». Demain, chacun-e d’entre nous peut à son tour se retrouver dans la file et les statistiques du chômage - ou des CPAS. Et comme le dit la fable : « si ce n’est pas vous, ce sera votre frère », ou vos enfants, vos collègues, vos amis...
Ce n’est qu’en luttant ensemble pour nos droits que l’on pourra retrouver une vie et un avenir dignes d’être vécus : travailleurs-euses avec ou sans emploi, pensionné-es, du secteur public, privé ou non marchand, étudiant-e-s... tous unis contre ceux qui ont provoqué la crise et en profitent vraiment. Et non en prêtant l’oreille à leurs discours démagogiques, diviseurs et discriminatoires !
Notes :
[1] Allusion à un autre outil dans la même veine, l’excellent petit manuel « Détox », édité par les Jeunes FGTB et la FGTB wallonne, répondant plus largement à tout un ensemble de « lieux communs » et d’ « évidences » néo-libérales.
[2] Pour être complet et honnête, il faut ici nuancer notre propos : la composition de ménage a, dès l’origine, bel et bien été un critère dans l’établissement du montant des allocations de chômage, la catégorie de « chef de famille » ayant toujours donné droit à un taux majoré. Mais c’était la contre-partie et la rançon de ce que, en revanche, tout était fait pour empêcher au maximum l’accès des femmes à l’assurance chômage, lequel était strictement limité et réglementé, celles-ci étant censées dépendre des revenus dudit chef de famille, par essence et définition... mâle.