7 avril 2014
L’aile la plus extrémiste de l’opposition vénézuélienne, soutenue par les Etats-Unis et par la droite colombienne, veut renverser dans les rues, par le terrorisme et par la violence le gouvernement constitutionnel élu démocratiquement. Mais il est absolument correct de lutter pour la paix et faire pour cela quelques concessions au secteur de la droite qui, pour le moment, ne fait pas le choix d’un coup d’Etat ou d’une guerre civile car il espère diviser les militaires qui soutiennent le gouvernement de Nicolás Maduro et isoler son gouvernement en érodant sa base sociale populaire.
Mais la question est principale est la suivante : quel type de paix veut-on ? Et avec quelles concessions et combien en faudra-t-il ? Et, en fin de compte, qui paiera les coûts de la pacification ?
En effet, on ne peut pas accuser de fasciste ou de terroriste toute la moitié du Venezuela qui s’oppose au chavisme et abandonner ainsi la tâche essentielle de séparer ceux qui protestent démocratiquement contre la vie chère, les pénuries, le bureaucratisme et la corruption, de ceux qui sont véritablement des agents de l’impérialisme, des fascistes et des terroristes.
Les fanfaronnades de Juan Perón en 1955, qui déclarait avant sa fuite que « pour chacun des nôtres qui tombera, cinq des leurs tombera », et cela sans armer ni mobiliser les travailleurs, ne servent absolument en rien d’exemple à suivre.
Mais il est tout aussi erroné de passer de cette attitude de diabolisation de tous les opposants (oligarques, classes moyennes, ouvriers de droite, de centre-droite, de centre-gauche ou même de gauche) à celle d’offrir la paix dans les conditions que souhaitent les grands patrons et les représentants du capital. Et cela dans une négociation à laquelle les secteurs ouvriers et populaires ne participent pas tandis qu’on veut résoudre exclusivement la lutte contre les putschistes et les terroristes par un affrontement entre l’appareil répressif de l’Etat et l’appareil clandestin de la droite pro-impérialiste.
Il faut tenter de comprendre, d’une part, pourquoi les arguments de l’extrême-droite ont un écho dans une partie importante de la population et y répondre avec des faits et des arguments plus convaincants. D’autre part, il faut également étudier pourquoi un vaste secteur des universitaires mène des manifestations réactionnaires et cela afin de leur couper l’herbe sous les pieds avec des explications et des mesures ad hoc, et pas seulement avec des appels à discuter avec leurs dirigeants alors qu’on sait très bien qu’ils feront la sourde oreille.
Il est surtout suicidaire d’essayer de combattre les fascistes avec les seules forces armées. Celles-ci, comme le démontre la récente tentative putschiste de trois généraux d’aviation, comprennent également des secteurs anti-chavistes, ou non chavistes. L’armée a une base de classe et une formation politique hétérogènes vu que les militaires se recrutent dans toutes les classes et qu’ils ont comme fonction de préserver l’ordre capitaliste. Leur éducation fait donc d’eux des garants de l’« ordre » existant, même s’il peut exister certains moutons blancs nationalistes - et même socialistes - comme Hugo Chávez.
On ne peut pas non plus – et contre toute évidence – présenter dans les médias officiels (qui sont minoritaires et doivent être crédibles pour pouvoir influer) la situation politique et économique actuelle comme étant parfaitement normale. Ces médias font comme si les approvisionnements étaient abondants, comme s’il n’y avait aucun motif d’insatisfaction populaire et comme si « tout le peuple » (en réalité, seulement un peu plus de la moitié du corps électoral) soutenait massivement Maduro, celui-ci n’affrontant seulement qu’une petite poignée de terroristes et de mercenaires.
Le « changement de cap » que demandait urgemment Chávez ne peut être qu’un dépassement qualitatif du processus bolivarien afin de préserver ses conquêtes et éviter sa ruine ; un dépassement (c’est-à-dire à la fois une conservation et une modification) du chavisme dans un sens socialiste.
Dans ce jeu dramatique entre le gouvernement et l’opposition, ou bien les travailleurs et les pauvres organisés entrent en scène sur tous les terrains en tant que protagonistes, ou bien le processus se bloque et glisse ainsi vers sa ruine. Cela signifie qu’il faut approfondir les expériences des « Missions » sociales, des communes, de la participation populaire. Tout le monde doit pouvoir discuter les mesures économiques, les conditions sociales et connaître les données de la politique gouvernementale. Il faut mobiliser et favoriser l’auto-organisation des bases sociales du gouvernement en surmontant le contrôle paternaliste conservateur des appareils et, surtout, des militaires.
Face au terrorisme, il faut créer des comités et des milices de quartier et, contrairement à ce que demande Mendoza (le patron de Polar, l’un des saboteurs de l’économie), il n’est pas possible d’interdire l’expression des opinions politiques dans les entreprises. C’est au contraire au sein des entreprises qu’il faut discuter de manière démocratique et sans le moindre frein sur tout ce qu’il faudrait y faire ainsi que dans tout le pays.
Comme le proposent les camarades de « Marea Socialista » – qui sont membres du PSUV (Parti socialiste uni du Venezuela, NdT) – ainsi qu’une série de syndicats combatifs importants ; une augmentation importante des salaires est nécessaire afin de compenser une inflation de près de 70% ainsi que la récente dévaluation. Il faut appliquer la Loi Organique du Travail qui garantit la stabilité de l’emploi et les conventions salariales doivent être négociées sans imposition de la part des militaires. Il est également indispensable d’empêcher les licenciements massifs, bien souvent acceptés de manière illégale par le Ministère du Travail. Il faut donner des moyens à toutes les Missions qui, comme la Mission « Barrio Adentro », ne peuvent sinon que soulager les maux sociaux au lieu de les guérir définitivement. Au lieu de favoriser l’accaparement de dollars (et leur fugue ultérieure) par des spéculateurs au travers du SICAD II, qui distribue des dollars de la rente pétrolière aux privés les plus riches, le gouvernement doit contrôler efficacement le change et les devises. En 2013, en effet, la concession de dollars au prix officiel (CADIVI) a bénéficié à 40% d’entreprises fictives qui les ont ensuite vendus avec un profit allant parfois jusqu’à 570%, ou les ont envoyés à l’étranger.
La situation est grave. Ou bien on assiste à une intervention ouvrière et populaire décisive qui permette d’avancer vers le socialisme, ou bien les éléments « péronistes » du processus l’entraîneront vers le désastre.
Source :
http://www.rebelion.org/noticia.php?id=182956
Traduction française : Ataulfo Riera