Réfugiés afghans : Lettre ouverte à la Secrétaire d’État Maggie De Block

LDH 26 septembre 2013

Madame la Secrétaire d’État, pourquoi qualifiez-vous la confrontation avec la réalité qui découle de votre politique de « chantage émotionnel » ? Depuis ce vendredi 6 septembre 2013, 200 Afghans occupent un bâtiment vide à Bruxelles. Ils le font pour dénoncer la situation désespérée dans laquelle ils se trouvent depuis leur fuite d’Afghanistan, pour beaucoup d’entre eux depuis des années et avec de jeunes enfants. Dans les médias, vous réagissez contre cette action de désespoir des familles afghanes.

Madame De Block, vous appelez cette action chantage. Mais est-ce du chantage de vous rappeler qu’il y a encore une guerre en Afghanistan et que des enfants en sont victimes ? Vous savez pourtant bien que vos services refusent systématiquement d’examiner l’intérêt des enfants, malgré tous les rapports du commissariat aux Réfugiés des Nations Unies. Vous avez aussi lu la réaction du pédopsychiatre Peter Adriaenssens dans laquelle il dit que « renvoyer des enfants intégrés ici vers l’Afghanistan est une violation des Droits de l’homme ». Peut-être vos services ne vous ont-ils pas informée du fait que les familles afghanes avec enfants ne pouvaient pas être expulsées et étaient donc laissées à la rue, puisque votre politique est de vider les centres. Les familles sont mises devant le choix impossible entre un retour en Afghanistan et la clandestinité en Belgique.

Madame De Block, vous dites dans les journaux que les familles qui occupent ce bâtiment vide ne vous ont jamais contactée. Avez-vous oublié que 300 réfugiés afghans ont manifesté devant votre cabinet cet été et que vous avez refusé de les recevoir ? Peut-être avez-vous également oublié votre rencontre avec les enfants au Parlement le 20 juin, journée internationale des réfugiés ? Ou peut-être vos services ne vous ont-ils pas mise au courant des nombreuses demandes qui ont été introduites individuellement pour chaque famille depuis des années ? Il est étonnant que vous connaissiez aussi mal cette problématique.

Êtes-vous dérangée par le fait que des enfants s’expriment ? Lorsque des familles s’organisent — avec l’aide d’un certain nombre d’adultes engagés — et vous interpellent pour faire quelque chose pour les sortir de leur situation désespérée, vous appelez cela un chantage émotionnel. Madame De Block, ces enfants existent, ils vont à l’école ici depuis des années, ils osent s’exprimer et en ont le droit conformément à la Convention Internationale des Droits de l’enfant. Le seul problème vient du fait que les autorités belges, vous y compris, estiment que ces droits ne s’appliquent pas aux enfants des demandeurs d’asile.

Vous essayez aussi de monter l’opinion publique belge contre les réfugiés afghans, en disant qu’ils occupent un bâtiment prévu pour accueillir des SDF cet hiver. Vous créez ainsi la contradiction qui malheureusement fonctionne chez certains : SDF belges, ces SDF étrangers vous prennent vos places ! Est-ce là votre message ? Ici encore, vos services ne vous ont peut-être pas correctement informée. Le bâtiment occupé était utilisé jusqu’il y a peu comme lieu d’accueil pour réfugiés. Votre soudain intérêt pour les sans-abris est en totale contradiction avec tous vos efforts pour vider les centres d’accueil. Nous espérons que vos services vous ont au moins informée qu’un certain nombre de jugements des Tribunaux du Travail vous ont condamnée sur base de la Convention Internationale des Droits de l’enfant.

Nous espérons qu’en tant que Secrétaire d’État à la lutte contre la pauvreté, vous vous occuperez aussi bien des belges pauvres que des étrangers pauvres.

Vous orchestrez régulièrement des sorties dans la presse avec des chiffres sur le nombre de places d’accueil que vous avez réussi à fermer. Les enfants afghans qui doivent vivre à la rue sont la conséquence concrète de vos fermetures. Est-ce cette confrontation avec les conséquences directes de votre politique que vous appelez « chantage » ?

Pour terminer, vous êtes ennuyée par le fait qu’un des porte-parole des familles afghanes est l’époux de l’avocate Selma Benkhelifa, qui défend un certain nombre de familles. Nous trouvons cette intrusion dans sa vie privée déplacée, d’autant plus que vous ne répondez pas sur le fond du dossier.

Tout cela vous fait conclure que cette action des familles afghanes est une manœuvre politique dans le but de vous toucher personnellement. Nous pouvons vous rassurer, Madame De Block, contrairement à votre attaque personnelle contre Selma Benkhelifa, l’action des familles et l’intervention de leurs porte-paroles et de leurs avocats n’a qu’un seul but : trouver une solution d’avenir en Belgique et respecter les droits fondamentaux ! Nous nous étonnons qu’à aucun moment vous n’avez répondu à leur demande d’aide. Selon vous, l’Afghanistan est-il la solution pour ces enfants ?

Liste des signataires

Benoit Van Keirsbilck, directeur de Défense des Enfants - Belgique
Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l’Homme
Christelle Trifaux, directrice du Service droit des jeunes
Laetitia Van der Vennet, coordinatrice de la Plate-forme Mineurs en exil
Tommy Bui, président du MRAX
Pierre Robert, président du Syndicat des Avocats pour la Démocratie
Fred Mawet, directrice du CIRE
Georges-Henry Beauthier, avocat (Bruxelles)
Luc Denys, avocat (Bruxelles)
Brecht De Schutter, avocat (Bruxelles)
Véronique Dockx, avocate (Bruxelles)
Cathérine Van Cutsem, avocate (Bruxelles)
Matthieu Lys, avocat (Bruxelles)
Hanne van Walle, avocate (Bruxelles)
Julien Wolsey, avocat (Bruxelles)
Géraldine Lenelle, avocate (Bruxelles)
Hélène Crokart , avocate (Bruxelles)
Ivo Flachet, avocat (Bruxelles)
Thomas Mitevoy, avocat (Bruxelles)
Rosalie Daneels, avocate (Bruxelles)
Hind Riad, avocate (Bruxelles)
Edit Flamand, avocate (Anvers)
Lies Michielsen, avocate (Anvers)
Sylvie Micholts, avocate (Bruges)
Zaverio Maglioni, avocat (Liège)
Jean Flinker, membre d’Attac-Bruxelles
Zoë Genot, parlementaire Ecolo
Beatrice Meulemans, échevine sp.a (Saint-Josse-ten-Noode, Bruxelles)
Axel Bernard, conseiller communal PTB (Schaerbeek, Bruxelles)

Source :
http://www.liguedh.be/2012/1828-refugies-afghans--lettre-ouverte-a-la-secretaire-detat-maggie-de-block