7 mai 2013
Le « Café serré » de Thomas Gunzig de ce mardi 7 mai sur la Première radio…
Bonjour Georges, bonjour tout le monde,
Alors, une fois n’est pas coutume, ce matin, je ne vais pas revenir sur l’actualité. Ce matin, je ne vais pas vous éclairer de ces analyses si subtiles que le monde des médias nous jalouse. Ce matin, je ne vais pas, comme souvent, essayer de vous montrer la lumière au bout du tunnel. Ce matin, je ne vais même pas expliquer à Monsieur Vervoort ma solution pour régler à moindre coût tous les problèmes de Bruxelles. Sachez seulement qu’il était question de vodka et de citron vert. Non, je ne vais pas faire tout ça parce que ce matin, je vais vous parler d’un événement terrible qui m’est arrivé jeudi dernier.
Oui, ce matin, je vais vous parler de moi. Je vais vous parler de moi parce que comme on dit, j’en ai gros sur la patate. La semaine dernière, chers amis, j’ai été victime d’une agression. Oh, rien de grave, je vous rassure mais c’est la goutte qui a fait déborder le vase. Je vous raconte.
Jeudi en rentrant de l’aéroport, me voilà chaussée de Waterloo, du côté du Prince d’Orange. Alors, je vous avoue que c’est un quartier où je ne me suis jamais senti très à l’aise. Entre les Audi Q7, les Lexus RX450, les Ranch vert bouteille et les étudiantes de l’ICHEC en Mini Cooper siège cuir, assis dans ma Toyota Corola 92 avec l’aile droite corrodée, avec ma gueule de métèque, de Juif errant, de pâtre grec et mes t-shirts H&M, j’ai souvent senti sur moi des regards chargés de suspicion. J’y ai souvent ressenti cette impression terriblement désagréable de ne plus être chez moi dans mon propre pays. Vous vous rendez compte ? Enfin, bon, bref.
Et voilà que je m’engage avenue Napoléon. Oui, je sais ce que vous pensez. À circuler dans ce genre de ghettos, je cherche les ennuis. Mais enfin quoi, ce ne sont quand même pas EUX qui vont commencer à faire la loi. La liberté d’aller et venir, c’est tout de même un des piliers de la constitution européenne.
J’avance prudemment. Je suis sur mes gardes. J’ai l’impression qu’on m’observe depuis les fenêtres closes des villas quatre façades et des appartements Corbiau. Je suis tendu. C’est alors que de ma gauche déboule à toute allure une Porsche Cayenne, carrosserie gris météore, sièges cuir couleur expressio et qu’elle me grille ma priorité. Non, mais ces gens-là se croient donc tout permis ? Comme si le code de la route, la loi, les Droits de l’Homme, ils étaient au-dessus de tout ça. Sous le coup de la colère et faisant fi de la plus élémentaire prudence compte tenu du quartier où je me trouvais, je fais trois appels de phares, je klaxonne rageusement et puis — je sais que c’était idiot —, je fais un geste de la main.
Bon sang, je n’aurais pas du ainsi perdre mon sang froid car la Porsche Cayenne freine alors brutalement devant moi. Et en sort une grande femme blonde, la soixantaine sportive, tailleur de grande marque française comme on en porte sans doute dans le 16e arrondissement de Paris, chez eux, mais pas ici à Bruxelles. Ces gens ne savent donc pas s’intégrer. Et la voilà donc qui arrive droit sur moi. Je ferme la porte de ma voiture. Je remonte la fenêtre. J’essaye de garder mon calme. Mais je dois bien vous l’avouer, j’ai peur. Avec son sac Vuitton, elle frappe le capot de ma voiture. Le cuir contre l’acier, ça fait « pong ». Et du bout pointu de ses escarpins Louboutin, elle frappe ma portière en lançant un « sale Belge pauvre ». Oh, je lui aurait bien fait remarquer que je suis plutôt du côté de ce qu’on appelle la classe moyenne. Mais je suis en état de choc.
Et de retour chez moi, c’est vrai, j’ai été sur Facebook, j’ai vidé mon sac.
Il est temps que quelqu’un dise tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Assez de politiquement correct. Amis expatriés fiscaux, vous quittez votre pays pour fuir les impôts. On vous accueille avec le sourire. Nos meilleurs restaurants, les concessionnaires Jaguar et les kinés du David Lloyd sont à votre disposition. Mais ce n’est pas assez. Vous continuez à vous garer en deuxième file place du Chatelain et surtout à demander une carafe d’eau au restaurant. Eh bien, retournez dans votre pays si nos coutumes ne vous plaisent pas.
Bon, voilà. Maintenant que j’ai dit ça, je me sens un peu mieux. Je me doute qu’à présent je serai mis à pied par Monsieur Jean-Pol Philippot mais je ne me laisserai pas faire. J’irai en justice Monsieur Louwerijs. Et je crois que Laurent Louis pour assurer ma défense sera ce qu’il y a de mieux. Ou alors Pingo qui est au moins aussi compétent.
Allez, à demain.