Le ratio magique

Thomas Gunzig 4 décembre 2013

Le « Café serré » de Thomas Gunzig de ce mercredi 4 décembre sur la Première radio…

Bonjour Georges, bonjour tout le monde,

Alors, ce matin, je suis particulièrement heureux de venir ici avec sous le bras une super bonne nouvelle. Parce que franchement les amis, d’habitude, avec tout ce qui se passe, avec toutes ces choses épouvantables dont il faut parler ici à Matin Première, j’avoue que parfois ça me pèse de savoir que nous sommes une des premières choses que les gens entendent le matin. Ils viennent de se réveiller, ils sortent peut-être d’un de ces chouette rêves qu’on fait sans savoir pourquoi : une plage, du soleil, au loin la silhouette féline de Marie Van Cutsem se passant du lait de coco sur sa peau dorée, l’impression diffuse que la vie, finalement, peut être belle quand, soudain, radio-réveil, Matin Première, embouteillages, reprise des marchés, ciel couvert, gros retour à la réalité.

Enfin, bref, du coup, quand je peux annoncer aux gens une bonne nouvelle, hé bien, ça me rempli de joie.

Hé bien, la voici. Et soyez attentif parce que sa portée est immense. Imaginez que vous vous soyez mal garé. Vous avez été distrait, ça arrive. Et là, comme à chaque fois que vous êtes mal garé, paf, 25 euros. Alors, jusqu’à aujourd’hui, ce que vous faisiez, c’est que vous les payiez ces 25 euros. C’est comme ça. C’est la règle. Vous courbez l’échine. Vous ne voulez pas vous attirer d’ennuis.

Hé bien, la bonne nouvelle, c’est que figurez-vous que dorénavant, vous ne payerez plus 25 euros. Mais vous appliquerez aux 25 euros le ratio magique. Vous connaissez le ratio magique ? (Non.) C’est normal, c’est tout nouveau. Le ratio magique, c’est tout simple : c’est une division par 3,75. Donc, vous ne devez pas payer 25 euros mais 6,6 euros. Et ça, c’est quand même moins pire.

Et le ratio magique, il est valable pour tout. Je ne sais pas moi, la taxe de circulation de votre Seat Ibiza qui était jusqu’ici de 224,14 euros. Eh bien, ratio magique, vous divisez par 3,75, ça vous donne 60 euros. Et je crois, sans trop de risque de me tromper, que le ratio magique sera valable pour tout. Les impôts, le revenu cadastral, les amendes administratives. On divise tout par 3,75.

Bon, et si jamais on vous demande d’où ça sort, ne vous inquiétez pas. Pour ces 3,75, il y a jurisprudence. Le ratio magique de 3,75, c’est ce qui a été offert aux petits veinards du holding Bois Sauvage qui, en 2008, a vendu des actions Fortis quelques secondes avant son démantèlement. Oui, c’est un délit d’initié, le délit de riche par excellence et c’est peut-être ce qui le rend encore plus dégueulasse. Le holding qui a eu une amende de 30 millions, on leur a proposé 12, ils ont donné 8, c’est-à-dire 30 divisé par 3,75, le ratio magique. Et on a accepté. Et dire qu’on a emmerdé le roi pour 3 grâce accordées à des vieilles dames mal garées et que ça, Bois sauvage, c’est passé comme une couque.

Les amis, bienvenue dans ce chouette monde sans règle auquel nous, les petits anars à trois sous, avons toujours rêvé. Un monde où quoi qu’on fasse, on divise la peine par 3,75.

Chers amis, chers auditeurs, brûlez vos feux-rouges, faites des barbecue au milieu de l’échangeur de Loncin, mentez, arnaquez les vieilles, abusez de la confiance de vos voisins, faites ce que vous voulez, volez dans les magasins, promenez-vous nus si ça vous fait plaisir, faites du bruit nuit et jour, démarrez en wheeling avec vos mopettes kitées à 3h du matin devant le 6 rue de la Loi, taguez les murs du Palais royal et de la Tour des finances, mangez gras, mettez des manteaux de fourrure, droguez-vous, exhibez-vous dans les parcs à la nuit tombée et, si vous en avez assez de m’entendre, venez me casser la figure à 7h50 entrée Diamant. Tout est permis, c’est la fête au crime.

Évidemment, il faut en profiter parce que à ce rythme, je prévois la fin du pays dans 48 heures. Mais ne vaut-il pas mieux 48 heures de rigolade qu’une vie d’ennuis ? Mais si, bien entendu. Vive le court terme ! Jouissons sans entrave en attendant la mort.

Et puis, à mardi prochain, si vous êtes toujours là.