3 décembre 2013
Le Honduras, comme le Mexique, est un semi-Etat. Toutes les décisions du gouvernement doivent recevoir l’aval de l’ambassade des Etats-Unis. L’économie repose sur les dollars envoyés par les émigrés, autrement dit sur l’exportation de la main d’œuvre.
En outre, le pays fut d’abord utilisé par Washington comme base contre la révolution cubaine, et ensuite contre la révolution et le gouvernement sandinistes. Aujourd’hui, à partir de leur grande base de Palmerola et de deux autres bases militaires au Honduras, les Etats-Unis menacent à la fois Cuba et le Venezuela. Ils dominent l’Amérique centrale et se préparent à intervenir en Colombie, où le processus de paix avec les FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes, guérilla marxiste, NdT) et la division entre Uribe et Santos (respectivement l’ancien et l’actuel président colombien, NdT) hypothèquent l’Alliance pour le Pacifique, également affaiblie par la défaite électorale de la droite au Chili.
L’appareil d’Etat hondurien est aux mains de 15 familles et le pouvoir exécutif à offert aux multinationales des zones entières du territoire où les lois du pays ne sont plus en vigueur, tout comme l’ancien président mexicain Calderón l’a fait en faveur des appareils de sécurité étatsuniens sous prétexte, mais pas seulement, de répression contre le narcotrafic.
Les élections honduriennes de ce 24 novembre, comme celles du Mexique en 1988, en 2006 et en 2012, ont été une farce. Les maîtres du pouvoir y ont imposé Juan Orlando Hernández afin de perpétuer et perfectionner les mesures antipopulaires appliquées depuis le coup d’Etat (en 2009, NdT) yankee-oligarchique contre le président Manuel Zelaya et, ensuite, par le gouvernement de Porfirio Lobo, continuateur de la dictature.
Les mobilisations contre la dictature, d’abord, et en faveur de la candidature de Xiomara Castro et de son Parti Libre, ensuite, ont été permanentes et massives. Les travailleurs et le peuple hondurien ont courageusement résisté au coup d’Etat et à l’oligarchie et ils ont transformé leur Front National de Résistance Populaire, qui reposait sur des mouvements comme Via Campesina, en une alternative électorale incarnée par le Parti Libre.
Tant dans l’action, avec leurs mobilisations, que dans la campagne électorale, ils ont tenté de modifier le rapport de force actuel. Ils ont ainsi gagné le soutien de vaste secteurs des classes moyennes urbaines, à commencer par les étudiants, qui luttent aujourd’hui contre la fraude électorale. Le peuple hondurien, avec une grande maturité et en essayant d’éviter la violence étatique, a rempli son devoir civique. Il a même réussi à provoquer une fissure dans le bloc des grands oligarques. Certains d’entre eux craignent en effet ce qui pourrait arriver si le gouvernement illégitime de Hernández tente de poursuivre impunément, et en ne comptant que sur les seules forces répressives, la politique que l’ambassade yankee dicte à ses valets et partenaires locaux mineurs.
Les mobilisations contre la fraude électorale vont se maintenir, elles seront très importantes et engloberont également les secteurs des classes moyennes urbaines et rurales qui ont voté pour le Parti contre la Corruption, et même des secteurs de l’électorat du Parti Libéral. Et cela parce que la fraude a été évidente et éhontée, même si Daniel Ortega (président « sandiniste » du Nicaragua, NdT) a reconnu et salué le président Hernández et que l’ALBA (alliance « progressiste » dirigée par le Venezuela, Cuba, la Bolivie et l’Equateur, NdT) ne se prononce pas sur le sujet. Le président sortant, Porfirio Lobo a mis en effet tout le poids de l’appareil d’Etat en faveur de son Parti National et de son candidat, Hernández. La presse aux ordres de l’oligarchie a désinformé de manière quotidienne et ignoré la campagne et les positions de Xiomara Castro, tout en passant sous silence les terribles conséquences sociales de la politique néolibérale et du contrôle du Honduras par l’ambassade étatsunienne. Celle-ci est d’ailleurs constamment intervenue dans la campagne électorale.
Le Parti Libre (ainsi que le Parti contre la Corruption) a dénoncé la fraude électorale et appelé à une « mobilisation légale » afin de soutenir sa plainte. Xiomara Castro et Manuel Zelaya se contentent du fait que le gouvernement n’a pas la majorité au Parlement et tentent d’empêcher que les occupations universitaires ne déchaînent des occupations de terres ou des émeutes populaires, et cela alors que les électeurs du Parti Libre descendent d’eux-mêmes dans la rue pour lutter car ils sentent bien que c’est la seule manière de faire plier le gouvernement du Parti National.
Dans un semi-Etat qui fonctionne comme une colonie des Etats-Unis à peine déguisée, la légalité est une fiction et le Parlement sert à peine comme tribune secondaire pour les protestations et les exigences populaires. Les véritables décisions sont prises à Washington et dans quelques cénacles restreints. Une chose est d’utiliser tous les espaces et les opportunités électorales ou juridiques de cette pseudo-légalité, et une autre chose est de croire que les papiers, les instances légales et les déclarations peuvent modifier les rapports de force comme si on était en Suède.
Il est correct d’utiliser le terrain électoral pour étendre la portée de la propagande et créer des bases organisationnelles dans tout le pays. Il est nécessaire aussi d’éviter autant qu’on peut une lutte sanglante et inégale avec les forces répressives, de gagner des alliés et des positions de force en s’appuyant sur la légitimité de sa propre victoire et de son propre comportement. Il est indispensable que les usurpateurs apparaissent avant tout comme tels afin de démontrer qu’il n’y a pas d’autre issue que leur renversement. Mais la diffusion d’illusions sur l’effectivité de protestations légales qui se limitent au cadre fixé par les usurpateurs et sur la possibilité d’utiliser contre eux des points d’appui institutionnels qui n’ont en réalité aucun pouvoir réel, tout cela désarme et divise en réalité la résistance des masses.
Le crétinisme juridico-parlementariste respectueux d’un régime qui n’est qu’une dictature du capital renforce ce dernier bien plus que la force de l’armée. Car une lutte révolutionnaire divise et démoralise les soldats et les policiers, tandis que les hésitations et les capitulations de ceux qui apparaissent comme les dirigeants des luttes populaires affaiblissent par contre les travailleurs, qui sont les seuls capables d’expulser l’impérialisme et l’oligarchie du pouvoir. Il y a des situations où seule la résistance civile et le soulèvement populaire peuvent garantir la justice, la légalité et l’indépendance nationale.
Source : http://www.jornada.unam.mx/2013/12/01/opinion/021a1pol
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera