28 novembre 2012
On assiste à des protestations de masse dans les rues d’Égypte depuis la semaine passée lorsque le président Mohamed Morsi a fait une déclaration constitutionnelle qui accroît grandement son propre pouvoir, amenant certains opposants à appeler le dirigeant des Frères musulmans comme le « nouveau pharaon ».
Bien que la déclaration constitutionnelle en sept points prétende poursuivre les buts de la révolution de 2011 qui a renversé le dictateur Hosni Moubarak, la plupart des Égyptiens l’ont reconnue comme une tentative de consolider la mainmise de Morsi sur le pouvoir.
Un des points supprime la fonction de Procureur général, un reliquat de l’ère de Moubarak et un autre ordonne de nouvelles enquêtes et procès contre ceux qui sont accusés de brutaliser et de tuer les manifestants depuis la révolte de l’année dernière. Mais la déclaration inclut aussi un article qui stipule que la chambre haute du parlement et l’Assemblée constitutionnelle — les institutions qui doivent écrire la nouvelle constitution égyptienne — ne peuvent être dissoutes par aucune cour. Une autre clause énonce que les déclarations constitutionnelles, les lois et les décrets émis par le président « sont finales et obligatoires et qu’aucune institution ne peut y faire appel de quelque façon que ce soit ».
Des dizaines de milliers de manifestants ont protesté contre ces abus de pouvoir, y compris beaucoup de forces libérales et de gauche. Des soutiens de l’ancien régime ont aussi rejoint les manifestations anti-Morsi — comme Amr Moussa, le ministre des Affaires étrangères de Moubarak qui a essayé de rejoindre un rassemblement sur la place Tahrir, selon le journal « Al Ahram », ce qui a provoqué une réponse furieuse des manifestants de gauche.
Nous reproduisons ci-dessous une déclaration de l’organisation des Socialistes révolutionnaires d’Égypte, publiée le 22 novembre et expliquant pourquoi ils manifestent contre la déclaration constitutionnelle de Morsi. (Socialist Worker.org)
Aujourd’hui, tous les masques de Mohamed Morsi et de son organisation les Frères musulmans sont tombés. Pour eux, la révolution n’est rien d’autre qu’un moyen d’atteindre le pouvoir. Ils sont, avec les reliquats de l’ancien pouvoir, les deux faces d’une même pièce qui représente la tyrannie, ennemie du peuple.
Morsi a fait une déclaration constitutionnelle au nom de la révolution. En surface, on pourrait y voir de la compassion mais en réalité c’est une promesse pour de nouveaux tourments.
Il a commencé à ouvrir des enquêtes sur les meurtres de révolutionnaires — les dizaines qui sont tombés à Maspero, sur la rue Mohamed Mahmoud et en dehors des bureaux ministériels. Les Frères musulmans les avaient par avant ignorés.
Il a annoncé la suppression du Procureur général dont nous avions demandé le licenciement depuis le début de la révolution parce qu’il fait partie de l’ancien régime. C’est le même régime que Morsi a largement préservé. Comme le ministre de l’Intérieur actuel et les hommes d’affaire qui accompagnent Morsi dans son avion quand il se rend à l’étranger.
La déclaration arrive alors à son réel objectif : donner l’immunité aux décisions du président jusqu’à l’élection d’un nouveau parlement. Elle va aussi préserver le Conseil Shura [chambre haute du parlement égyptien] et l’Assemblée constitutive risible dont un grand nombre des membres ont démissionné ces derniers jours.
Cette assemblée ne représente pas les masses égyptiennes. Elle est le résultat d’un accord dans une chambre d’hôtel entre les Frères musulmans, les salafistes et d’autres acteurs de l’ancienne ère. Ses membres ne sont pas concernés par les droits économiques et sociaux. Ils sont plus intéressés par l’âge de mariage des filles, l’abolition de la loi sur le divorce — et l’augmentation du pouvoir du président.
Cette déclaration donne aussi à Morsi le droit de prendre toute décision nécessaire face à des menaces envers le pays, la sécurité nationale, la révolution ou l’unité nationale.
Nous disons à Morsi : vous et votre organisation êtes les vraies menaces contre la révolution quand vous acceptez les hommes d’affaire de Moubarak, que vous courrez à perte d’haleine après les prêts du FMI, que vous soutenez la religion, que vous menacez la sécurité nationale et vendez la révolution.
Les mots « justice sociale » ne sont même pas dans votre dictionnaire. Vous avez oublié les salaires minimum et maximum. Vous avez augmenté les prix et laissé les pauvres manger de la boue alors qu’ils ont encore besoin de manger avant les élections.
Nous n’accepterons pas un nouveau pharaon. Vous ne réussirez pas à stabiliser votre gouvernement chancelant, qui a écrasé des dizains d’enfants avec négligence, tué et blessé des centaines de jeunes gens avec des balles et des gaz lacrymogènes, et détenu des centaines de personnes après avoir été battus et torturés par les chiens du Ministère de l’intérieur.
Mais nous n’accepterons pas que des reliquats de l’ancien régime reviennent sur la scène révolutionnaire au prétexte que « nous sommes tous contre les Frères musulmans ». Nous ne travaillerons avec personne qui a été main dans la main avec le dictateur déchu parce que ces gens ont participé pendant des années au pillage et tué les meilleurs fils et filles du peuple. Nous appelons nos camarades dans la marche révolutionnaire de se retirer de ce jeu qui mélange les cartes.
Les Socialistes révolutionnaires appèlent tous les révolutionnaires à la sauvegarde de la révolution qui a été volée par une alliance entre les Frères musulmans et les reliquats du régime de Moubarak. Nous appelons les gens à sortir dans la rue avec comme slogans : pain, liberté, justice sociale.
Nous revendiquons :
— l’annulation des déclarations constitutionnelles supplémentaires qui enracinent la tyrannie et l’autocratie ;
— la formation d’une nouvelle Assemblée constitutionnelle qui représente tous les pans de la société, incluant les travailleurs, paysans, fonctionnaires, femmes, Coptes, Nubiens, les peuples du Sinaï et de Haute-Égypte, les pêcheurs et d’autres ;
— la démission du gouvernement raté de Qandil et la formation d’un gouvernement de coalition révolutionnaire qui entrerait en fonction jusqu’à l’instigation d’une nouvelle constitution et l’élection d’un nouveau parlement ;
— des pas sérieux vers la justice sociale : instaurer un salaire minimum de 1.500 livres égyptiennes par mois, un salaire maximum, saisir les biens des compagnies corrompues et des hommes d’affaire de Moubarak pour le bénéfice du peuple, instaurer des impôts progressifs sur le revenu, renationaliser les compagnies qui ont été vendues par des accords corrompus et annuler le programme de privatisation.
Tous le pouvoir et la richesse au peuple !
Source : http://socialistworker.org/2012/11/26/morsi-power-grab-sparks-protests
Traduction française pour Avanti4.be : Martin Laurent