Agence Internationale de l’Energie : le triste meilleur des mondes possibles

Gerardo Honty 27 novembre 2013

Comme chaque année à la même période, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) publie son rapport « Prospective Energétique Mondiale » (World Energy Outlook) avec ses projections d’avenir (1). Dans ce dernier rapport, l’horizon est situé sur l’année 2035.

Le rapport intègre de manière centrale toutes les mesures que les gouvernements du monde ont annoncées en matière d’énergie et de mesures face au changement climatique. Autrement dit, c’est selon lui le meilleur des mondes possibles dans le contexte de l’ordre économique actuel. Dans ce monde à venir, le pétrole continuera à jaillir de manière croissante pour alimenter l’augmentation attendue de sa consommation, qui dépassera la barre des 100 millions de barils par jour en l’an 2035. La consommation de pétrole se concentrera sur deux secteurs : le transport et la pétrochimie et les principaux centres de la demande seront la Chine, l’Inde et le Moyen Orient.

Toute l’augmentation attendue de l’extraction de pétrole proviendra des gisements non conventionnels : le pétrole extra lourd, les sables bitumeux, les plateformes sous-marines, etc. Le pétrole conventionnel, qui a alimenté la croissance économique au cours du dernier siècle, poursuivra son déclin et n’offrira plus que 65 millions de barils par jour.

Le coût du pétrole à cet horizon se situera autour de 128 dollars le baril, ce qui rendra rentable l’exploitation de ces gisements non conventionnels. Le rapport n’écarte cependant pas la possibilité qu’un tel prix soit surtout rendu possible grâce aux fabuleux subsides que les gouvernements du monde entier consacrent afin de maintenir des bas prix et qui ont atteint la somme astronomique de 544 milliards de dollars en 2012.

Par contraste, les sources d’énergies renouvelables par contre n’ont reçu que 100 milliards de dollars en subsides en 2012 et ces derniers pourraient atteindre la somme 220 milliards de dollars en 2035, soit à peine plus de la moitié. Ceci démontre que le pétrole constitue toujours la source d’énergie privilégiée par les gouvernements et que les renouvelables ne jouissent pas du soutien et de la confiance nécessaires.

L’énergie éolienne et le solaire photovoltaïque augmenteront leur part dans la production d’électricité, mais ils n’atteindront que 30% de celle-ci. L’énergie nucléaire quant à elle continuera également à croître dans certains pays – particulièrement en Chine, en Corée du Sud, en Inde et en Russie – en dépit des risques démontrés par la récente expérience de la centrale de Fukushima qui, près de trois ans après l’incident, continue encore à déverser des eaux radioactives dans l’océan.

La production d’électricité va croître de plus de deux tiers dans la période considérée et les combustibles fossiles constitueront toujours la plus grande source primaire pour l’alimenter. La technologie de capture et de stockage de CO2 représentera à peine 1% des nouveaux investissements énergétiques.

Les émissions de dioxyde de carbone liées à l’énergie vont croître de 20% vers 2035. Ce scénario énergétique signifiera une élévation de la température globale moyenne à long terme de 3,6 °C, autrement dit bien au dessus de l’objectif de 2°C adopté dans les accords internationaux.

Comme on peut le constater, le panorama tracé par le rapport réaffirme la durabilité de la consommation croissante d’énergie et cela en dépit du changement climatique et de ses autres impacts écologiques élevés. Ce nouveau rapport a réduit également les préoccupations écologiques présentées dans les éditions antérieures où l’on tirait l’alarme sur l’impossibilité de consommer plus d’un tiers des réserves fossiles existantes si l’on veut maintenir un système climatique stable. Il ne fait plus également référence à son précédent « Scénario 450 » où il établissait une série de recommandations afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre à un niveau soutenable pour le climat.

D’après Gerardo Honty, analyste au département Energie et Changement Climatique du CLAES (Centre Latinoaméricain d’Ecologie Sociale)

(1) www.worldenergyoutlook.org

Source : http://alainet.org/active/69084
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera