, , 20 mars 2013
Le Socialist Workers Party, la principale organisation de la gauche révolutionnaire britannique, connaît actuellement une crise profonde, qui s’est traduite au cours des quatre derniers mois par une éruption de critiques contre la direction de l’organisation, la formation de deux tendances d’opposition et la tenue d’un Congrès extraordinaire le 10 mars dernier. Celui-ci a été immédiatement suivi par le départ groupé de plus d’une centaine de militants qui ont formé un nouveau "réseau" provisoirement dénommé International Socialism Network. Et la crise est loin d’être terminée...
L’élément déclencheur de cette crise a été la manière scandaleuse par laquelle la direction du SWP a tenté de "régler" une accusation de viol portée par une jeune membre contre un membre de la direction, en enterrant cette accusation via une enquête confiée à une Commission interne.
Le débat qui secoue aujourd’hui le SWP a une signification qui va bien au-delà de cette organisation et c’est pourquoi nos trouvons utile d’en parler ici. Il pose d’abord la question du rapport réel au sexisme et à l’oppression des femmes dans des organisations de gauche qui pourtant se réclament de la lutte pour la libération des femmes. Et il débouche sur une série de critiques et de remises en question du mode de fonctionnement des petits "partis" de la gauche radicale, marqués notamment par l’absence d’une vraie culture de débat démocratique interne et par la domination de versions autoritaires et bureaucratiques du fameux "centralisme démocratique".
Nous reviendrons plus en détails sur la crise du SWP dans les prochains jours à travers divers textes de critique et de réflexion. Pour ouvrir cette série, nous publions ci-dessous deux textes, parus en janvier dans la foulée du Congrès annuel, qui sont centrés sur l’aspect féministe de cette crise, même s’ils ont une portée plus large. Le premier est la lettre de démission de Tom Walker, qui était journaliste au Socialist Worker, l’hebdomadaire du SWP. Le deuxième est un article publié par Laurie Penny, une journaliste et bloggueuse féministe et progressiste.
Tout commence il y a deux ans quand une jeune militante de l’organisation (19 ans à ce moment) confie à des amis qu’au terme d’une relation de deux ans, elle a été victime de viol par son ex-compagnon. Celui-ci est Martin Smith (trente ans de plus qu’elle) qui est membre du Comité Central du SWP, l’instance forte d’une dizaine de personnes (essentiellement des permanents) qui dirige (d’une main de fer) l’organisation. Comme la jeune fille ne souhaite pas porter plainte à la police, l’affaire est portée par le Comité Central devant la Commission des Conflits.
Cette instance, formellement indépendante de la direction, comprend néanmoins deux membres actuels et trois anciens membres du Comité Central. Et tous les membres de la Commission connaissent évidemment Martin Smith, une des personnalités d’avant-plan du parti. La Commission mène une enquête, qui s’avère sérieusement biaisée. Ainsi, Martin Smith peut prendre connaissance du texte de la déposition de son accusatrice mais celle-ci ne pourra avoir accès à sa réponse. Elle, et ses ami-e-s qui la soutiennent, seront aussi questionné-e-s sur ses précédentes relations, ses habitudes en matière de boisson,... Au terme de ses investigations, la commission a déclaré que les faits "ne sont pas prouvés". Pour le Comité Central, l’affaire est donc réglée et prestement enterrée.
Au Congrès annuel suivant du SWP (début janvier 2012), l’affaire n’est évoquée que de manière très voilée et codée, sans aucune allusion à la plainte pour viol. Martin Smith n’est pas reproposé pour le nouveau Comité Central mais il conserve des postes de direction et surtout de représentation publique du SWP, sous les applaudissements des délégués dont l’écrasante majorité ne sont au courant de rien de ce qui s’est passé au cours de ces derniers mois.
Mais les ami-e-s de la jeune militante ne baissent pas les bras. Les faits sont évoqués (de manière prudente et sans que le nom de Martin Smith soit cité) dans les bulletins internes qui préparent la tenue du congrès de janvier 2013. Inquiète, la direction tente de dresser des contre-feux. Quatre membres du SWP qui se sont solidarisés avec elle sont exclus (par e-mail et sans aucune possibilité de recours !) pour "factionnalisme secret". La fronde et la colère contre le traitement de la plainte pour viol mais aussi contre les limitations à l’expression des points de vue et les entraves au débat démocratique se développent rapidement, surtout au sein de l’organisation étudiante du SWP.
Au Congrès, le débat sur l’affaire est houleux, une grande partie des délégués découvrant l’ampleur du problème. Fait inouï dans l’histoire du SWP, le rapport de la Commission des Conflits n’est validé qu’à une très faible majorité. Néanmoins, le Comité Central considère que l’affaire est réglée. Mais contrairement aux attentes et aux normes du SWP (les tendances ne peuvent se constituer que dans les trois mois précédant un congrès et doivent impérativement se dissoudre au lendemain de celui-ci), la tension ne retombe pas. Une série de membres démissionnent, une retranscription de la partie des débats du Congrès concernant l’affaire est postée sur internet, la question devient publique et commence à être discutée dans la gauche et dans la presse,...
Les deux textes que nous publions ci-dessous sont publiés à ce moment.
Jean Peltier
Tom Walker
Le Socialist Workers Party (Parti Socialiste des Travailleurs) est dans une crise profonde et il s’y trouve maintenant depuis plusieurs mois. La raison en est simple ; une accusation de viol à l’encontre de Martin Smith, alors membre du Comité Central, et la façon dont celle-ci a été gérée par le parti.
Cette affaire, comme plusieurs orateurs l’ont fait remarquer lors du Congrès, était en réalité la seule raison qui a justifié les quatre exclusions advenues durant la période qui a précédé le Congrès, la seule raison pour la formation de deux factions et la seule raison pour la scission au sein du Comité Central qui a débouché sur la présentation d’une nouvelle liste (de membres proposés pour l’élection du nouveau Comité Central par les délégués au Congrès - NDT) excluant les deux membres de l’ancien Comité qui avaient tenté de contester la manière dont cette affaire avait été traitée.
Après mûre réflexion, j’ai décidé que je n’avais pas d’autres options dans l’immédiat que de démissionner, pas uniquement du journal, mais du parti, et d’encourager d’autres à en faire autant.
Avant de poursuivre, je tiens à préciser que je ne discuterai pas des détails de l’affaire elle-même, que ce soit ici ou en privé. De toute façon, je ne les connais pas. J’en sais à peine plus que ce qui a été décrit lors du rapport au Congrès et qui s’est malheureusement retrouvé par la suite sur internet. Et je ne citerai pas ce document.
Cependant, je pense que ce que j’en sais est plus qu’assez pour tirer certaines conclusions inévitables, et le fait que ce document a circulé à ce point largement que chaque membre se retrouve confronté à des amis en dehors du parti, au travail ou dans les associations, qui leurs posent des questions, rend impossible de continuer à se taire à ce propos.
Je vais aborder, comme cela s’est fait lors du Congrès, certains des procédés horribles qui ont été utilisés pour traiter l’affaire, mais uniquement les procédés (et c’est absolument vital de s’en tenir à ceux-ci). Le Comité Central développera certainement une réponse disant que je ne respecte pas la confidentialité et que c’est honteux, mais le problème réel reste quand même que l’affaire ait eu lieu et que la direction ait permis qu’elle se développe de cette manière en une crise profonde. Je pense que ce que les délégués défendant les divers points de vue en présence ont dit durant le Congrès tentait scrupuleusement de respecter la confidentialité de l’affaire elle-même et que ceux-ci ne sont à aucun moment entrés dans les détails du témoignage de la camarade. Si cela n’avais pas été le cas, je n’aurais jamais écrit quelque chose comme ceci.
Je tiens à argumenter sur quatre points essentiels :
La Commission des Conflits n’aurait jamais du être autorisée à enquêter et à statuer sur une accusation de viol, quelles que soient les circonstances, Point à la ligne. L’affaire aurait du être confiée à une enquête des autorités compétentes en la matière. La nature extra-légale de la Commission des Conflits signifie que son affirmation selon laquelle le camarade serait innocent n’a aucun sens. D’autant qu’une personne, au sein de cette commission, croit que le harcèlement sexuel est vraisemblable.
Les partis de gauche sont des institutions qui existent à l’intérieur de la société et ils doivent placer au cœur de leurs structures une analyse des rapports de genres et de pouvoir afin d’éviter de reproduire les problèmes de cette société en leur sein. Qui plus est, un manque de démocratie au sein des organisations de gauche n’est pas seulement une question politique majeure : il joue également un rôle dans le développement de comportements abusifs. Avoir une bonne théorie et de bonnes positions sur la libération des femmes s’avère être une faible défense contre de tels comportements.
La détermination du Comité Central à « tirer un trait » sur la discussion, jusqu’à vouloir bannir toute allusion à cette affaire dans le futur (sous peine d’exclusion), rend, à mon sens, impossible de « rester pour se battre » à l’intérieur de l’organisation afin d´aboutir à des interprétations plus sensibles de ce qui s’est passé et à des réformes concrètes des structures pour s’assurer que de telles choses n’arriveront plus. Rester dans le parti à l’heure actuelle signifie baisser la tête et essayer de vivre avec sa conscience.
Pour cette raison, et à cause de la publicité incroyable et dommageable autour de cette affaire, le parti ne correspond plus à ce qu’il prétend être. Il sera sans doute incapable d’attirer ou de recruter de nouveaux membres. Je ne crois pas que qui que ce soit d’un peu sensé devienne membre après cela. Nous devons repenser nos méthodes d’organisation à gauche. Je développerai quelques éléments de ce que je pense sur ce sujet mais je suis très ouvert aux opinions des autres.
Voyons maintenant ces points plus en détails.
Les auditions réalisées par la Commission des Conflits, et par extension tout le gâchis qui s’en est suivi, n’auraient tout simplement jamais du avoir lieu. Honnêtement, c’est tout bonnement incroyable qu’on ait laissé les choses se dérouler de la sorte. Quel droit le parti a-t-il d’organiser une telle enquête et un jugement de la part de son tribunal fantoche sur des accusations aussi sérieuses à propos d’un membre de sa direction ? Aucun, sous aucune forme.
Je suis bien sûr farouchement opposé à la police et à la justice capitaliste et à la façon dont elles traitent les gens. Mais cela ne signifie pas non plus qu’on puisse tout simplement s’y soustraire et instaurer les nôtres à la place. Le SWP lui-même a plaidé pour que Julian Assange affronte les accusations de viol dont il est l’objet en Suède, dans un article du Socialist Worker que je suis fier d’avoir rédigé.
Je ne vois pas en quoi ce qui est juste pour Assange ne devrait pas l’être pour les dirigeants du parti.
Selon le rapport de la Commission, la victime ne voulait pas aller à la police, et c’est bien sûr son droit le plus absolu si telle était réellement sa décision. Toutefois, connaissant la culture du SWP, je doute qu’elle ait pris cette décision de manière entièrement libre et sans aucune pression.
Il ne faut pas sous-estimer la pression que le SWP peut exercer sur ses membres en leur disant de faire ou de ne pas faire des choses en vue du but ultime qu’est la société socialiste pour lequel tous les membres du parti se battent. Dans la perspective de la libération de l’humanité tout entière, ils vont tenter de faire en sorte que même le problème le plus grave semble moins important que la survie du parti. A ce propos, je ne pense pas que les membres du Comité Central soient des adeptes du cynisme. Je pense qu’ils croient ce qu’ils racontent.
De toute façon, respecter le désir de ne pas impliquer la police n’excuse pas ce que le parti a fait ensuite. Le projet de la Commission des Conflits de rendre une justice amateur était bancal dés le départ, avec des questions qui, de manière non intentionnelle, rappelaient les pires pratiques de la police et des tribunaux. Les personnes impliquées (dans ces interrogatoires menés par la Commission) parlaient d’une immense détresse et de situations traumatisantes.
Je dois dire que je suis inquiet aussi pour les délégués qui ont assisté à cette session du congrès. Plus d’un camarade ont dit qu’ils n’avaient jamais vu autant de personnes en pleurs que dans cette salle.
Pour beaucoup, cela a été un véritable coup de tonnerre dans un ciel serein. Bien que travaillant moi-même au local central du parti, je sentais que ce qui se discutait portait sur une remise en cause la Commission des Conflits, mais que la bagarre portait avant tout sur les exclusions et la démocratie. Alors que d’autres travailleurs du parti s’étaient engagés dans une fraction, je trouvais nécessaire de garder pour ma part une sorte de distanciation journalistique.
Pendant la session elle-même, ma réaction a été celle d’un dégoût basique, viscéral. J’étais retourné. Et je le suis toujours. Je ne savais pas quoi faire. Je suis sorti du bâtiment comme en transe. Ce n’est qu’après quelques jours de réflexion, et au vu des réponses tranchées qui ont été émises à l’intérieur et en dehors de l’organisation, que j’ai tiré mes propres conclusions.
Du fait que la Commission des Conflits n’est pas un tribunal découle le fait que son verdict - selon lequel le camarade ne serait pas coupable de viol et que le harcèlement sexuel ne serait « pas prouvé » - n’a aucun sens. Assis dans la salle du congrès, c’était trop facile à oublier.
La Commission des Conflits nous dit que nous n’avons pas entendu les preuves et les détails. C’est vrai, et cela ne doit d’ailleurs pas se produire. Pourtant ils ont admis que les seules preuves qu’eux-mêmes avaient étaient deux témoignages diamétralement opposés, un de l’accusatrice et l’autre de l’accusé. Nous ne savons pas pourquoi ils ont cru l’accusé.
Comme l’ont fait remarqué ceux qui ont critiqué cette décision, la Commission des Conflits compte en son sein cinq membres, anciens ou actuels, du Comité Central, et tous connaissaient le camarade Smith depuis de nombreuses années. Même si je crois qu’ils ont pris l’affaire au sérieux, il n’empêche que celui-ci n’a pas été jugé par un jury de pairs, mais par un jury de potes. Si nous parlions d’une autre organisation, nous considérerions tous comme évident qu’autoriser une telle commission à enquêter ne pourrait donné que des résultats partiaux. Tout comme on pourrait se douter qu’une Commission des litiges composée de membres de Wikileaks, si elle existait, ne considérerait pas qu’Assange est coupable.
Nous devons aussi nous rappeler que, même dans cette commission, il y a eu une minorité d’une personne qui a rencontré quelques sérieux problèmes parce qu’il lui semblait probable qu’il y avait eu harcèlement sexuel. Ce n’est pas mon rôle d’argumenter dans un sens ou dans l’autre sur les accusations, mais une chose qui ne peut pas être contestée, c’est qu’aucune de ces accusations n’a encore été traitée par quelqu’un de compétent pour le faire.
Je me demande aussi ce que la Commission des Conflits aurait bien pu faire si elle avait déclaré l’accusé coupable ? L’exclure et le laisser tracer sa route ?
Comme d’autres l’ont fait remarquer, l’enquête bricolée de la Commission a trituré les évidences et traumatisé l’accusatrice au point qu’elle n’a pas voulu continuer à défendre son affaire de quelque manière que ce soit par la suite. Je suis absolument convaincu que le traumatisme est réel, tout comme je ne pense pas que les choses auraient pris cette tournure si cela n’avait pas été le cas.
On peut trouver sur internet la retranscription de ce que les ami-e-s et allié-e-s de la camarade ont dit, mais seuls ceux qui étaient dans la salle ont pu entendre la colère authentique avec laquelle les mots ont été prononcés. Si on accepte le fait que la camarade était traumatisée, la logique implique qu’il est très improbable que les accusations n’avaient pas de fondement.
J’espère sincèrement que ces camarades ne seront pas encore plus affecté-e-s par le fait que j’écris cette lettre parce que celle-ci n’a d’autre but que de tenter de tirer les leçons nécessaires du processus désastreux auquel ils et elles ont été soumis-es. A partir du moment où ce sujet a donné lieu à une bataille de fractions et que la direction a refusé de faire machine arrière, je pense que le Comité Central doit porter la responsabilité d’une série de décisions désastreuses qui ont suivi et qui suivront.
Je veux m’éloigner pour un moment du processus de cette affaire et aborder quelques-unes des questions plus larges que celle-ci soulève. Les accusations au sein du SWP s’inscrivent dans un cadre plus large qui devrait nous amener à nous interroger à propos de la théorie et de la pratique de la gauche depuis longtemps dans ce domaine.
Nous devons tenir compte de la large gamme de comportements misogynes chez les dirigeants d’organisations de gauche, depuis les commentaires de George Galloway sur le viol (à propos de l’affaire Assange - NDT) jusqu’aux horreurs commises par Gerry Healy (1). On peut discuter à propos des autres personnes qui pourraient être incluses dans cette liste mais ce ne sont malheureusement pas les candidats qui manquent.
Bien entendu, puisque rien n’est prouvé d’un côté comme de l’autre, nous ne savons pas si le camarade Smith se retrouve dans cette gamme. Cependant, il y a certainement un gros point d’interrogation sur la politique sexuelle de beaucoup d’hommes ayant des positions de pouvoir dans la gauche. Je crois que la racine de cela est que - à cause de leur notoriété ou au manque de démocratie interne ou à cause des deux à la fois - ils occupent souvent des positions qui ne semblent pas pouvoir être remises en question. Ce n’est pas pour rien que les accusations d’abus sexuels dans le monde de manière générale mettent en lumière une « culture de l’impunité ».
Socialist Worker a mis en évidence la façon dont les institutions se ferment en huis clos pour protéger les personnes qui ont du pouvoir en leur sein. Ce qui n’est pas reconnu, c’est que le SWP est lui-même une institution, avec un instinct de protection et de survie. Comme je l’ai déjà dit, la croyance du parti dans sa propre importance dans l’histoire mondiale l’amène à légitimer ses tentatives pour couvrir les faits, ce qui amène ceux qui exercent des violences à se sentir protégés. En outre, les dirigeants occupent des positions de pouvoir au sein d’une organisation dont le recrutement est ouvert, mais dont la culture est assez cadenassée, ce qui a un effet dramatique sur les relations qui se créent. Un homme plus âgé et dirigeant avec une femme plus jeune et simple membre, c’est une relation de pouvoir triplement inégale et qui doit être considérée comme telle.
Ceci n’explique cependant pas comment il est possible qu’une organisation qui a une analyse aussi juste de la façon dont la police et les tribunaux mettent effectivement les femmes en procès dans des cas de viol ait réussi à répliquer les mêmes procédés réactionnaires d’enquête. Comment a-t-elle échoué aussi lamentablement à mettre en pratique sa propre politique ?
Cela peut nous éclairer un peu d’apprendre que le mot « féminisme » est effectivement utilisé comme une insulte par ceux qui soutiennent la direction. Cela semble être l’héritage d’un débat politique très aigu qui a eu lieu il y a des dizaines d’années contre le féminisme radical et ses méthodes d’organisation séparatistes mais qui est malheureusement utilisé aujourd’hui contre des jeunes militant-e-s anti-sexistes à l’intérieur du parti. En fait, ce terme est déployé contre quiconque semble « trop intéressé » par des questions de genre. Un groupe de militantes qui ont posé l’an dernier la question de savoir s’il y avait un problème de sexisme dans le SWP se sont vues simplement condamnées par la direction comme « féministes » et le Comité Central a mis beaucoup d’énergie à lutter contre ce « fléau » depuis qu’ils l’ont découvert.
Quoi qu’il en soit, les théories marxistes et féministes seront certainement d’accord sur le fait que, dans une société sexiste, le sexisme est un danger constant dans toute organisation, quelque soit son orientation politique. La seule façon de gérer cette question est de ne pas se contenter de combattre le sexisme partout et tout le temps, mais d’accepter que si une femme ou un groupe de femmes sont mécontentes de la façon dont elles sont traitées, alors l’organisation a un problème, doit le prendre au sérieux (et admettre que ce n’est pas du nombrilisme), doit changer et ne pas prétendre que la question n’existe pas et que les plaignantes sont motivées par des divergences politiques.
Ce qui nous amène à une autre question, qui est que les questions de démocratie et de sexisme ne sont pas séparées, mais inextricablement liées – le manque de démocratie crée l’espace pour que le sexisme grandisse et rend plus difficile de le déraciner quand il le faut. C’est sans doute la raison pour laquelle des gens comme Paris Thompson, qui milite pour plus de démocratie dans le SWP et qui venait de publier sa propre critique dans le bulletin interne, ont été à l’avant-garde de la lutte contre la tentative d’enterrer l’affaire.
Les délégués au congrès ont reçu la retranscription partielle de conversations sur Facebook qui ont été utilisées comme preuve pour exclure Paris Thompson et trois autres camarades. Le Comité Central a déclaré que cela prouvait une coordination hors du cadre des sections et donc une activité de « fraction secrète ». Pourtant ce document montre que ce n’est absolument pas un groupe qui s’organise pour poursuivre une politique différente – Paris dit explicitement qu’il sépare les deux combats – mais bien de gens qui essaient de s’assurer que la manière dont une affaire de viol a été traitée sera discutée correctement au congrès et non pas balayée sous le tapis.
En coordonnant des motions à présenter lors des réunions de préparation du Congrès ou en essayant de s’assurer d’être élus comme délégués, ce qui a motivé ces quatre personnes n’était pas la recherche d’un intérêt personnel, mais leur volonté que ces questionnements sérieux soient entendus. Leur récompense pour cela, à moins qu’ils retournent leur veste et fassent appel à cette même Commission des Conflits, est d’avoir été exclus du SWP à vie.
Que c’est-il passé depuis le congrès du SWP ce week-end ? Envers et contre tout, la position du Comité Central reste « tirer un trait sur cela et avancer ». L’opposition s’est entendue dire qu’elle devait, elle aussi, souscrire à cela s’adapter ou s’attendre à être exclue. Cela devait s’appliquer à la minute même où le Congrès se terminait – et la direction avait bien l’intention de mettre cela en œuvre.
Le Comité Central ferme tout débat en se retranchant derrière le prétexte que les statuts prévoient que les tendances doivent être dissoutes après le Congrès. Les travailleurs du parti ont été vus individuellement, et s’ils refusaient de garantir qu’ils ne mentionneraient plus jamais cette affaire, il leur a été dit qu’ils devaient quitter leur emploi au parti. Certains sont déjà partis, d’autres doivent être en train de le faire au moment où j’écris.
Pendant ce temps on dit aux sections que les critiques faites à la Commission des Conflits pendant le congrès ne pourront leur être rapportées et qu’elles ne pourront pas être discutées par les membres, même dans les grandes lignes. Sur ordre du Comité Central, le rapport du Congrès publié dans Socialist Worker ne doit même pas mentionner la session sur la Commission des Conflits. Ce qui signifie que la raison qui a conduit à la présentation d’une liste alternative pour le Comité Central n’est pas expliquée du tout.
Pendant ce temps, le camarade Smith est retourné à Hackney jeudi 8 janvier au soir, pour représenter le parti à une réunion de « Unite Against Fascism » comme si rien ne s’était passé. La semaine suivante, il est à Athènes, à nouveau comme représentant du travail du parti. Il a peut-être été sorti du Comité Central, mais il est toujours là, s’agitant sous notre nez. Franchement, c’est à rendre malade.
Si la direction est autorisée à s’en sortir comme ça, alors cela veut dire que le problème va rester et pourrir. Cela veut dire que ça pourrait de nouveau se produire. Cela veut dire que le parti n’examinera pas plus loin comment les choses ont pu aussi mal tourner, et ne fera donc rien à ce propos, puisque la position officielle est que le vote signifie qu’aucune des critiques faites n’a été acceptée. Une accusation similaire pourra demain être traitée exactement de la même manière.
Je crois que ne pas traiter le problème rendra la destruction du parti finalement inévitable. Je n’en suis pas le destructeur – il a commencé sa destruction lui-même. Peut-être que ça prendra des jours, des mois, des années, mais c’est une bombe à retardement permanente. Je ne parviens pas à imaginer comment il recrutera quiconque capable d’utiliser Google. Tôt ou tard, tout cela sera utilisé contre le parti dans les syndicats. En l’absence - au plus strict minimum - des plus humbles excuses publiques et d’un processus massif de réforme interne, je crains que le SWP soit brisé pour de bon.
Je sais que beaucoup voudront rester dans le parti pour continuer la bataille jusqu’à la fin. S’ils arrivent à le faire sans simplement « baisser la tête », j’ai le plus grand respect pour eux. J’espère que ceux-ci, et en particulier ceux qui ont été impliqués dans le vote contre la Commission des Conflits, comprendront pourquoi je sens que je dois partir maintenant et encourager les autres à faire de même.
Vous pourriez demander de quel droit je saute maintenant du bateau. Vous pourriez dire que ce n’est pas à propos de nous mais à propos des personnes qui ont été affectées. Tout cela est juste. Mais comment pouvons-nous espérer tout simplement passer outre l’horreur de toute cette affaire ? Nous ne sommes pas des robots. C’est pourquoi je ne peux rester une seconde de plus.
Un autre problème dans le fait de rester est qu’il semble que les individus qui se sont opposés au Comité Central lors du Congrès vont être attrapés graduellement, un par un. Ce n’est pas seulement désagréable et isolant, mais cela risque de monopoliser une grande partie de l’énergie des militants dans un combat interne prolongé contre les victimisations. J’espère que les gens resteront en contact et discuteront ensemble lorsqu’ils se sentiront prêts (ou lorsqu’ils se feront exclure). Je garde aussi à 100% ma confiance dans les membres qui me contacteront pour discuter avec moi.
A ceux qui diront que j’aurais du soulever cette question ouvertement avant de démissionner, je répondrai que le Comité Central a abondamment fait comprendre que faire cela signifiait s’auto-exclure instantanément.
Ce serait également injuste envers d’autres dans l’équipe de Socialist Worker de lancer une tirade lors des réunions éditoriales et de leur donner le choix entre marcher avec moi ou me condamner rituellement. J’espère que ceux-là tout particulièrement, ceux qui ont été mes amis et mes collègues pendant de nombreuses années, feront parler leur conscience et décideront de leur propre chemin.
A tous les camarades, je dis : C’est une douleur, c’en est vraiment une, mais le premier pas est d’admettre soi-même qu’il est temps de partir. Je ne sais pas comment les choses vont évoluer, mais de cette façon au moins, nous avons une chance de recréer quelque chose de meilleur. L’alternative, pour des milliers de socialistes vraiment engagés, qui serait de rester tranquillement assis en se demandant si la personne à côté d’eux pense la même chose qu’eux, est trop horrible à imaginer.
Je pense profondément que si chaque personne qui lit ceci trouve le courage de suivre son cœur et ses principes, alors, plutôt que de voir des membres s’évanouir lentement dans la nature ou être graduellement écartés du parti, nous pourrons laisser le SWP sur une étagère de l’histoire à côté du Workers Revolutionary Party (1) et construire quelque chose de mille fois mieux à la place.
L’espoir existe pourtant encore. Le Comité Central parle avec emphase des jeunes cadres et des cadres étudiants qui sont « influencés par le mouvement » et apportent ces idées à l’intérieur du parti, mais il est évident que les idées qui sont arrivées au Congrès sont un anti-sexisme militant et un désir de démocratie. Les votes substantiels pour l’opposition montrent que la politique de beaucoup de militants reste excellente, même s’ils montrent aussi, de manière frustrante, que la direction ne peut pas être désavouée via les structures démocratiques du parti, même sur des questions extrêmement graves. S’il en était autrement, je serais malgré tout resté.
En ce qui me concerne, je ne suis pas en train d’envisager un nouveau « Workers Socialist Party » (2). Nous pouvons sûrement faire mieux que ça. J’ai l’intention de discuter, de réfléchir et d’écrire sur la façon dont nous pouvons prendre du recul par rapport aux spécificités du SWP et tirer des leçons plus larges sur le sexisme, la démocratie et l’organisation. Je crois que pour le bien de la gauche tout entière et de la lutte de classe dont nous espérons influencer le déroulement, nous devrions être capables de trouver une façon de créer quelque chose qui puisse être une maison accueillante et durable pour les travailleurs militants, les étudiants radicaux et les activistes.
Je veux une gauche où un cas comme celui-ci ne peut tout simplement pas se produire, où personne n’aura à taire son malaise et son dégoût en pensant que c’est pour le bien supérieur du socialisme et où personne ne devra démissionner parce que des zones entières de discussion auront été interdites. Dans cette gauche future, j’espère que nous serons capables de nous organiser à nouveau ensemble, démocratiquement, comme des camarades, dans le combat contre nos véritables ennemis.
Source :
http://www.cpgb.org.uk/home/weekly-worker/944/swp-why-i-am-resigning
Traduction française pour Avanti4.be : Sylvia Nerina
Notes d’Avanti :
(1). Gerry Healy à été pendant plus de trente ans le dirigeant incontesté du Workers Revolutionary Party, qui a été la principale organisation trotskiste en Grande-Bretagne pendant les années ´60 et ’70. Il était l’objet d’un véritable "culte de la personnalité" dans et par son organisation... jusqu’à ce qu’en 1984, devenu octogénaire, plusieurs militantes témoignent d’abus sexuels et de viols qu’il avait commis au fil des ans. Après une phase de déni par le reste de la direction du WRP, les preuves sont devenues tellement criantes que la direction, et par la suite, l’ensemble de l’organisation se sont divisées de plus en plus violemment. Dans cette organisation, profondément marquée par l’autoritarisme de la direction et des structures et par l’absence d’une véritable culture de débat démocratique, la conclusion était écrite : en quatre ans, le WRP s’est scindé en deux tronçons, puis en quatre, avec encore de nouvelles scissions et un retrait massif de toute activité militante de la part de centaines de membres écœurés et découragés. En moins de quatre ans, une organisation qui avait compté des milliers de membres actifs a complètement disparu.
(2). Jolie manière pour Tom Walker de dire qu’il ne souhaite pas construire un nouveau mini-SWP, réplique de l’original avec seulement quelques changements cosmétiques de nom et de forme.
Laurie Penny
Nous avons ici un cas d’école. Le Socialist Workers’ Party, pour ceux qui ne le connaissent pas déjà, est une organisation politique de plusieurs milliers de membres qui a été une force de gauche de premier plan dans la gauche britannique depuis plus de trente ans. Il a été le fer de lance de la lutte contre le fascisme dans les rues en Grande Bretagne, il a eu une intervention importante dans les syndicats et le mouvements étudiants au cours des dernières années, et est lié à d’autres partis importants et actifs dans d’autres pays, comme Die Linke en Allemagne. Beaucoup parmi les penseurs ou écrivains britanniques les plus importants en sont, ou en ont été, membres.
Comme beaucoup de personnes de gauche en Grande-Bretagne, j’ai des désaccords avec le SWP, mais je suis aussi intervenue dans leurs conférences, j’ai partagé des verres avec eux et j’ai beaucoup de respect pour le travail qu’ils font. Ce n’est pas un groupe marginal ; ils comptent. Et cela compte que, justement maintenant, le parti est en train d’exploser dans un grand gâchis à cause d’un débat sur le sexisme, la violence sexuelle et des questions plus larges de responsabilité.
Cette semaine, on a appris que, lorsque des accusations d’agressions sexuelles et de viol ont été prononcées à l’encontre d’un membre de longue date du parti, cette affaire n’a pas été dénoncée à la police mais traitée « en interne » avant d’être classée. Selon une retranscription du congrès national du parti qui vient de se tenir, non seulement des amis du présumé violeur ont été autorisés à mener l’enquête mais les présumées victimes ont également été soumises à un harcèlement supplémentaire. On leur a posé des questions sur leurs « habitudes en matière de boisson » et sur leurs anciennes relations et ceux et celles qui les ont soutenues ont été sujets à des expulsions et des exclusions.
Tom Walker - un membre du parti qui a démissionné cette semaine par dégoût - a expliqué que le féminisme "est effectivement utilisé comme une insulte par les partisans de la direction… il est déployé contre quiconque semble « trop intéressé » aux questions de genre."
Dans une déclaration courageuse et principielle rendue publique hier, Walker a déclaré que :
« … Cela pose clairement un point d’interrogation sur la politique sexuelle de nombreux hommes qui occupent des positions de pouvoir à gauche. Je crois que la racine de ceci est que, grâce à leur réputation, ou à cause du manque de démocratie interne, ou à cause des deux à la fois, ce sont souvent des positions qui sont inattaquables. Ce n’est pas sans raison que les récentes accusations d’abus sexuels dans le "monde extérieur" ont mis en évidence la ‘culture de l’impunité’. (le journal) Socialist Worker a mis en évidence la façon dont les institutions se ferment en huis clos pour protéger les personnes qui ont du pouvoir en leur sein. Ce qui n’est pas reconnu, c’est que le SWP est lui-même une institution en ce sens, avec un instinct de protection et de survie. Comme je l’ai déjà mentionné, la croyance du parti dans sa propre importance dans l’histoire mondiale l’amène à légitimer ses tentatives pour couvrir les faits, ce qui amène ceux qui exercent des violences à se sentir protégés. »
Des membres sont en train de quitter l ’organisation, ou d’en être exclus, en grand nombre après que l’affaire ait été mise en lumière lors du congrès du parti et que des retranscriptions des débats aient été mises en ligne.
L’écrivain China Mieville, un membre de longue date du SWP, m’a dit qu’il était, comme beaucoup d’autres membres, "consterné".
« La manière dont des accusations de cette importance ont été traitées – avec en plus la façon dont on a évoqué des problèmes de boissons et d’anciennes relations dans le chef des accusées, qui aurait été immédiatement dénoncée comme sexiste dans n’importe quel autre contexte - était consternante. C’est un terrible problème de démocratie, de fonctionnement et de culture interne que de telles situations puissent se produire, tout comme le fait que ceux qui argumentent contre la ligne officielle d’une manière jugée inacceptable par ceux qui sont au pouvoir puissent être exclus pour « factionnisme secret ».
Mieville a expliqué que dans son parti, comme dans tant d’autres organisations, les hiérarchies de pouvoir qui ont facilité ce genre de problèmes sont sujettes à controverses depuis longtemps.
« Beaucoup d’entre nous se sont battus ouvertement pendant des années pour un changement dans la culture et les structures de l’organisation afin justement de répondre à ce genre de déficit démocratique, au pouvoir disproportionné du comité central et de ses loyalistes, à leur politique de la "poigne de fer" contre toute soi-disant "dissidence" et à leur refus d’admettre leurs erreurs. » m’a-t-il dit. « Comme dans le cas présent, un désastre géré catastrophiquement par la direction. Chacun de nous dans le parti devrait avoir l’humilité d’admettre des cas comme ça. C’est aux membres du SWP de se battre pour le meilleur de notre tradition, et pas de s’aligner sur le pire de celle-ci, et de faire de notre organisation ce qu’elle devrait être et qu’elle n’est malheureusement pas encore ».
Le SWP britannique n’a rien d’atypique parmi les partis politiques, parmi les groupes de la gauche radicale, parmi les groupes de personnes engagées, ou parmi des groupes d’amis et de collègues, en ce qu’il permet que des structures en place qui autorisent misogynie et abus sexuels de la part d’hommes de pouvoir se maintiennent sans que cela ne soit relevé. On peut noter, rien qu’au cours des douze derniers mois, les manipulations de la BBC sur le cas de Jimmy Savile ou ces partisans de Wikileaks qui croient que Julian Assange ne devrait pas être obligé de répondre à des allégations de viol et d’agression sexuelle en Suède.
Je peux, pour ma part, citer au moins deux cas impliquant des hommes « respectables » qui ont fait exploser de manière pénible et définitive des groupes d’amitié parce que ceux-ci ont manqué du courage qu’il aurait fallu pour reconnaître les problèmes. La seule différence est que le SWP débat ouvertement aujourd’hui des règles tacites qui permettent à ce genre d’intimidations de se dérouler habituellement. D’autres groupes ne sont simplement pas assez arrogants pour prétendre que leur bataille morale est simplement plus importante que les insignifiantes questions féministes - même si c’est ce qu’ils pensent en réalité - ou que des personnes aussi bien-pensantes qu’eux et leurs dirigeants sont au dessus des lois. La direction du SWP semble par contre avoir défini cela dans ses statuts.
Dire que la gauche a un problème dans sa façon de traiter les violences sexuelles ne signifie pas que ce n’est pas le cas de tous les autres. Il y a, cependant, un refus obstiné, qui est propre à la gauche et aux progressistes de manière plus générale, de reconnaître et de traiter la culture du viol.
Cela a précisément à voir avec l’idée que, parce qu’on est progressiste, parce qu’on lutte pour la justice sociale et l’égalité, parce qu’on est "du bon côté", on est en quelque sorte exempts d’être tenu pour personnellement responsable quand il s’agit de problèmes de race, de relation entre hommes et femmes ou de violence sexuelle.
Cette incapacité à analyser nos propres comportements peut rapidement devenir un dogme. L’image est alors celle de petites bonnes femmes tatillonnes qui essaient de défaire tout le bon travail d’un respectable homme de gauche en insistant de leur petite façon pleurnicharde de femmes sur le fait que des espaces progressistes devraient aussi être des espaces où on ne doit pas craindre d’être violée, ou agressée sexuellement, ou culpabilisées, ou accusées parce qu’on parle ouvertement. Et le sentiment est celui de la rage et du ressentiment : pourquoi notre combat pur et parfait pour la lutte de classe, pour la transparence, pour la liberté contre la censure, devrait-il être pollué par (ici, prononcer la formule en rehaussant le nez avec dégoût) des « politiques identitaires » ? Pourquoi devrions-nous assumer plus nos responsabilités que le commun des mortels ? Pourquoi devrions-nous nous imposer des règles de comportement plus importantes que les autres ?
Eh bien, parce que,si nous le faisons pas, nous n’avons aucun droit à nous présenter comme progressistes. Parce que, si nous ne reconnaissons pas les problèmes de hiérarchie de genre, d’abus et de violence au sein de nos propres institutions, nous n’avons aucun droit à parler de justice, et encore moins à lutter pour elle.
« Les questions de démocratie et de sexisme ne sont pas séparées, mais inextricablement liées » écrit Walker. « Le manque de la première crée l’espace pour que le second grandisse, et rend encore plus difficile de le déraciner ». Il parle du SWP, mais il pourrait aussi bien parler de n’importe quel autre groupe de gauche, dans cette lutte pour se débarrasser d’un bagage de tant de générations de misogynie.
L’égalité n’est pas une option, une question secondaire qu’on traitera une fois que la révolution aura eu lieu. Il ne peut y avoir de démocratie réelle, ni de lutte de classe qui vaille la peine, sans respect des droits des femmes. Plus vite la gauche acceptera cela et commencera à travailler pour démanteler tous les préjugés qui constituent notre histoire collective, plus vite nous pourrons travailler à nos tâches.
Source :
http://www.newstatesman.com/laurie-penny/2013/01/what-does-swps-way-dealing-sex-assault-allegations-tell-us-about-left
Traduction française pour Avanti4.be : Sylvia Nerina