17 mars 2013
Depuis que les transgéniques ont été introduits commercialement aux Etats-Unis en 1996 – en 2012, 10 pays ont 98% de leurs terres cultivables semées avec des transgéniques tandis qu’une majorité ne permet pas leur utilisation – ses promoteurs affirment que les OGM augmentent la production. Mais ses affirmations ne sont pas prouvées et il apparaît tout le temps de nouvelles évidences qui démontrent le contraire.
Le mécontentement des agriculteurs, qui paient plus cher la semence transgénique et ne voient pas de différence de rendement, est croissant. En outre, pour le malheur des entreprises concernées, à partir de 2015 les brevets de plusieurs transgéniques (comme le soja RR) arrivent à expiration.
Pour toutes ces raisons, les multinationales – avec l’aide de riches mécènes comme Bill Gates et Carlos Slim – sont en train d’élaborer de nouvelles stratégies, non seulement afin de maintenir leurs oligopoles mais aussi pour étendre leurs marchés sous couvert de « philanthropie ».
Un nouvel article publié dans la revue scientifique « Nature Biotechnology » en février 2013 montre que le maïs transgénique a presque toujours une productivité inférieure au maïs traditionnel. Des chercheurs de l’Université du Wisconsin (Guanming Shi, J. Chavas et J. Lauer) ont analysé la productivité du maïs dans cet Etat pendant plusieurs décennies et, malgré leur sympathie évidente pour les transgéniques, ils concluent que seules deux récoltes de maïs génétiquement manipulé ont démontré une légère augmentation de la productivité.
Quand il s’agit de plusieurs caractères transgéniques combinés (par exemple le maïs résistant à l’herbicide combiné avec du maïs Bt insecticide), ils ont constaté qu’il y avait toujours une moindre productivité, ce que les auteurs attribuent à une interaction négative des transgènes, en dépit du fait qu’ils sont supposés additionner leurs caractéristiques. Pour équilibrer les mauvaises nouvelles, ils soulignent que, cependant, les transgéniques démontrent une meilleur stabilité. Autrement dit, ils produisent moins, mais toujours la même quantité. Quel avantage !
Au-delà de l’ironie, cette interaction inattendue démontre que ceux qui élaborent les transgéniques ne connaissent pas réellement le spectre des conséquences de la manipulation génétique, ce que des scientifiques plus responsables ont pourtant souligné de manière répétée. L’ingénierie génétique est une technologie qui compte tellement de facteurs inconnus qu’elle ne devrait pas s’appeler ainsi, ni même être jamais sortie d’un laboratoire.
Mais il n’est pas nécessaire qu’une technologie soit bonne pour qu’elle gagne le marché, avec des entreprises assoiffées de profit disposées à payer ce qu’il faut en marketing, en corruption ou en stratégies pour contrôler les marchés.
Un exemple de cela est que les mêmes multinationales qui contrôlent les transgéniques contrôlent également le marché des semences hybrides traditionnelles ayant une meilleure productivité, mais elles préfèrent vendre des transgéniques parce qu’ils sont protégés par des brevets. Ainsi, la contamination est détectable et cela leur permet à la fois de soumettre l’agriculteur à une plus grande dépendance et de faire un business additionnel en demandant des indemnités à l’agriculteur dont la récolte a été contaminée pour utilisation illégale de transgéniques brevetés.
Selon le rapport « Seed Giants vs. US farmers » (Center for Food Safety, 2013), aux Etats-Unis, Monsanto a traîné 410 agriculteurs et 56 petites entreprises agricoles devant les tribunaux. Les chiffres sont encore plus élevés en ce qui concerne les accords conclus sans procès vu qu’en remportant ces derniers, Monsanto a semé la terreur parmi les agriculteurs qui préfèrent payer des indemnités afin d’épargner les frais d’un procès. L’entreprise DuPont-Pioneer a également organisée une police génétique qui prélève des échantillons dans les champs des agriculteurs.
Mais, inexorablement, les brevets de nombreuses cultures transgéniques arriveront à échéance dans les prochaines années, ce qui pousse les entreprise à développer des stratégies afin de perdre le contrôle des marchés – et même à en ouvrir de nouveaux -, surtout dans les pays du Sud et avec des paysans ayant de faibles ressources. Un nouveau rapport du Groupe ETC (« Gene Giants and Philanthrogopoly », voir sur : www.etcgroup.org ) rend compte de ces manœuvres.
La première stratégie des entreprises est de laisser vendre les transgéniques dont les brevets arrivent prochainement à échéance en jetant sur le marché d’autres pratiquement identiques, mais une quelconque modification minimale, afin de faire valoir un nouveau brevet. Tel est le cas du soja RR2. On a annoncé un accord entre la majorité des entreprises qui contrôlent le marché des transgéniques, destiné à créer une espèce de pool, en alléguant que son but est de donner la certitude aux agriculteurs que les cultures dont les brevets arrivent à terme seront toujours semées dans des pays dont les lois de biosécurité requièrent une nouvelle approbation après une certaine quantité d’années. L’affirmation est hautement cynique car il ne s’agit ni de certitude ni de biosécurité, mais bien de légaliser un cartel d’entreprises afin d’augmenter leur contrôle étroit du marché.
C’est dans ce contexte qu’il faut placer les déclarations de Bill Gates et de Carlos Slim, qui, ensemble avec directeur du CIMMYT (Centre International d’Amélioration du Maïs et du Blé), ont récemment affirmé qu’ils vont offrir des transgéniques aux paysans pauvres pour lesquels n’auront pas à payer des droits. Il s’agit précisément de ces transgéniques dont le brevet arrive à terme et que les entreprises vont retirer des marchés. Il s’agit en réalité d’un Cheval de Troie afin d’envahir les terres paysannes avec des transgéniques, en faisant en sorte que les paysans abandonnent leurs propres semences et deviennent dépendant de celles des multinationales. Même s’ils ne donnent pas de résultats – parce que les transgéniques et les hybrides croissent difficilement dans des terres paysannes irrégulières, sans irrigation et sans agents agro-toxiques, ces « paquets cadeaux » pourraient tout de même provoquer des dégâts considérables pour les paysans, dans leur capacité à s’alimenter et à continuer à créer de la diversité de semences, particulièrement face au changement climatique. Il ne s’agit donc pas de philanthropie, mais bien de monopole et de voracité des entreprises.
Silvia Ribeiro est chercheuse au Groupe ETC
Source : http://alainet.org/active/62359
Traduction française pour Avanti4.be