, 18 novembre 2012
L’adoption de la résolution 2071 par les Nations Unies le 12 octobre vient confirmer la crainte existante depuis le printemps dernier : nous sommes à la veille d’une nouvelle intervention internationale, cette fois ci dans la région de l’Azawad, un territoire au nord du Mali qui correspond à la frange désertique du Sahara.
Cette décision est présentée comme nécessaire et inévitable pour mettre fin à la présence de groupes djihadistes qui, en utilisant l’Azawad comme base, opèrent dans différentes zones du Sahel, de la Mauritanie jusqu’au Niger. Cependant, l’opération est beaucoup plus complexe qu’on le dit puisqu’on omet de signaler l’existence d’un conflit qui plonge ses racines à l’époque de l’indépendance du Mali, quand les populations touareg du nord manifestèrent leur opposition et commencèrent une lutte autonomiste qui n’a pas cessé jusqu’à aujourd’hui.
Depuis le mois de mai dernier, le gouvernement de Bamako n’exerce plus aucun contrôle politique et administratif sur le territoire où se produira l’intervention internationale et plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l’existence d’un agenda secret : derrière cette opération militaire, le gouvernement malien aspira à récupérer le contrôle de l’Azawad dans le sillage du contingent international.
En effet, l’insurrection qui a commencé au début de l’année a dépassé le gouvernement malien et la capacité de riposte de son armée. Une série de groupes qui ont maintenu une unité d’action face aux troupes du gouvernement central ont pris les principales villes des trois départements qui constituent l’Azawad : Tombouctou, Gao et Kidal. Mais cette alliance était dès le début instable car elle rassemblait le secteur laïc de la société touareg, dirigé par le Mouvement de Libération Nationale de l’Azawad (MNLA), principal acteur de la révolte depuis les années 1990, et une série de groupes d’inspiration islamiste parmi lesquels se trouve l’organisation Ansar Edine (Les défenseurs de la foi). Bien que, dès le début, plusieurs commentaires ont signalé l’existence de relations entre Ansar Edine et les salafistes d’Al Quaeda du Maghreb Islamique (AQMI), il est difficile de confirmer cette connexion . En tous les cas, il ne fait pas de doute que plusieurs groupes d’idéologie djihadiste comme l’AQMI, et sa scisssion, le MUJAO, qui aspirent à développer le Djihad dans la région du Sahel, ont pris racine dans l’Azawad ces dernières années.
Face à la déroute subie dans le nord, les contradictions entre les différents secteurs sociaux au Mali se sont aiguisées, à commencer par l’armée qui a mené un coup d’Etat en plongeant le reste du pays dans un grave crise dont on ne voit toujours pas une issue claire et immédiate. Le groupe d’officiers putschistes a dénoncé la corruption régnant dans le pays, les difficultés pour combattre les rebelles et leur disposition à initier la récupération des territoires perdus du nord.
Cette séquence d’événements a culminé avec l’échec de la tentative putschiste et l’instauration d’un gouvernement intérimaire à Bamako qui jouit de la reconnaissance internationale mais qui n’est pas plus capable que le précédent d’exercer un contrôle effectif sur l’ensemble du pays. Pendant ce temps, au nord, le MNLA a mis en marche une structure d’Etat indépendant et réclame sa reconnaissance internationale mais il n’a reçu aucun soutien jusqu’à présent. En même temps, il s’est produit un affrontement entre le secteur laïc représenté par le MNLA et les islamistes, ce qui a démontré la fragilité de cette alliance.
L’élément central de leur rupture réside dans la volonté des islamistes d’appliquer la sharia comme régulateur de la vie civile dans l’Azawad libéré. De cette rupture et affrontement, c’est le secteur islamiste, soutenu par les groupes islamistes les plus radicaux, qui l’a emporté en prenant rapidement le contrôle des localités urbaines, tandis que le MNLA se repliait dans le désert en abandonnant les villes pour éviter un affrontement dont la population civile serait la principale victime. Que cette explication soit vraie ou qu’il s’agisse d’une justification politique ne change rien à l’affaire : les différentes variantes du secteur islamiste ont de facto pris le contrôle de l’Azawad.
Si ces événements ont constitué une surprise pour beaucoup, cela fait pourtant plus de dix ans que certains analystes insistent sur le processus d’islamisation dans la région du Sahel. L’attitude passive du gouvernement du Mali face aux événements qui se sont succédé dans le nord du pays a contribué de manière significative à ce fait. Le mouvement touareg s’est développé pendant ces dernières décennies en impulsant un projet de caractère laïc qui comptait, à l’époque, avec le soutien de la Libye de Kadhafi. Mais, depuis une dizaine d’années, des groupes de salafistes algériens se sont établit dans le nord du Mali, fuyant la défaite subie face à l’armée de ce pays. Dès leur installation au Mali, ils cherchèrent à nouer des soutiens et à tisser des complicités avec les différents secteurs de la population touareg, obtenant des appuis significatifs parmi certaines tribus.
Tout en cherchant à s’enraciner parmi la population, ils déployèrent leur propre projet politique qui, pendant un certain temps, s’est limité à kidnapper des citoyens occidentaux et servir d’intermédiaires dans le trafic international de stupéfiants. Un rapport récent de l’International Crisis Group (ICG) signale la possibilité que pendant ces années ils aient obtenus la somme de 50 millions d’euros avec le paiement des cautions pour libérer leurs otages. La présence de l’AQMI a contaminé d’autres secteurs sociaux, comme le groupe Ansar Edine, issu d’une dissidence du mouvement touareg, tandis qu’une scission, le Mouvement pour l’Unité et le Djihad en Afrique Occidentale (MUJAO) a commencé à réaliser des opérations militaires dans divers pays de la région.
Après les attentats du 11 septembre, les Etats-Unis ont commencé à étudier la situation de plusieurs zones qui offraient des possibilités d’installation pour les groupes djihadistes ayant besoin d’une base arrière à partir de laquelle ils pourraient lancer leurs opérations militaires. C’est ainsi que des zones que le Yémen, la Somalie et la région du Sahel commencèrent à être signalées comme des zones à risque. Il s’agit de région où la présence de l’Etat est à peine existante et dans lesquelles il est facile de trouver des complicités à partir des structures sociales tribales traditionnelles.
Cette menace fut clairement perçue tant par les Etats-Unis que par la France qui ont, depuis quelques années, augmenté leur coordination en créant un Comité d’Etat-major Conjoint dont le siège est à Tamanrasset (Algérie) et auquel participent plusieurs pays de la région : Mauritanie, Algérie, Mali et Niger.
Pour expliquer comment l’Azawad est devenu une zone où les djihadistes sont parvenus à s’implanter, il faut remonter aux événements qui se sont déroulés après l’indépendance des Etats de la région. Les frontières du Mali, comme celles du Niger ou du Tchad, sont un héritage de la colonisation française. A grands traits, on pourrait dire que ces Etats intègrent deux régions bien distinctes : la zone désertique du Sahara au nord et la région méridionale du Sahel, où se concentre une population très mélangée tout au long de l’histoire.
Dès l’indépendance, on a souvent souligné le caractère artificiel du tracé des frontières ainsi que la difficulté pour ces Etats à devenir des nations viables, notamment du fait de leur position particulière, enclavés et sans issue sur la mer, ainsi que la disposition de la population qui se concentre dans leur périphérie méridionale, déconnectée des grandes zones désertiques du nord. Dans le cas du Mali, l’Azawad a une superficie semblable à la France (650.000 Km carrés) et une faible population d’environ un million d’habitants. Malgré le fait que l’on tend à simplifier les choses, plusieurs populations différentes vivent dans cette région aux côtés des Touaregs ; des communautés arabes et diverses populations africaines, un élément dont il faut tenir compte pour comprendre les affrontements internes qui s’y produisent depuis ces dernières années. L’Azawad représente 50% de la superficie du Mali et 7% de sa population. Initialement divisé en deux départements, après les accords de paix de 1993 on procéda à une réorganisation administrative de la zone en créant une nouvelle entité, Kidal, transformant ainsi la population touareg de Gao en minorité face à la population sédentaire installée aux abords du fleuve Niger. Ce fait a entraîné une série d’affrontements communautaires qui ont progressivement compliqué le conflit.
Divers analystes ont souligné les fractures existantes entre le nord et le sud du Mali sur les plans économique et social : inégalités dans l’accès à l’éducation et à la santé, faible développement économique du nord, privilège accordés à l’ethnie bambara au moment de l’indépendance qui l’ont transformée en élite monopolisant l’Etat. Ces éléments étaient connus avant l’indépendance et la France a envisagé un moment la possibilité de créer une région saharienne distincte, mais le rejet des mouvements de libération de l’époque fut unanime. En conséquence, les nouveaux Etats ont hérité d’une importante diversité interne qui était minée par la méfiance traditionnelle prévalant entre les différents groupes ethniques.
En 1963 se produisit une première révolte touareg au Mali qui fut durement réprimée. D’autres suivront encore, tant au Mali qu’au Niger. Mais aucun pays de la région ne s’est montré sensible aux demandes des peuples nomades, mis à part Kadhafi qui a intégré de nombreux rebelles dans sa « Légion Islamique ». Ainsi, l’Azawad est restée sous tutelle militaire jusqu’aux années 1990. Pendant cette décennie des changements profond se sont produits dans la société touareg : écroulement des structures tribales traditionnelles, scolarisation de la jeunesse, bien souvent à l’étranger. Les sécheresses ont fini par détruire une bonne partie de l’élevage nomade de bétail traditionnel, tout comme les nouvelles réalités étatiques qui imposèrent des frontières artificielles en plein désert contribuèrent à mettre fin au commerce traditionnel. Ainsi s’explique un processus migratoire important vers les villes du sud mais aussi à l’étranger où s’est cristallisé une diaspora touareg. En définitive, il y a eu une véritable rupture sociale qui explique les bases sur lesquelles s’est appuyée la révolte des années 1990.
Avec le rôle médiateur important joué par l’Algérie, un accord de paix fut finalement signé en 1993 à Tamanrasset, ouvrant une période connue sous le nom d’Accord National et dans lequel on soulignait une série d’engagement pour sceller la réconciliation : investissements en routes, hôpitaux, écoles, ainsi qu’intégration d’une partie des milices rebelles dans l’armée malienne. Mais ces engagements ne furent jamais respectés. Des divergences surgirent entre les rebelles et aboutirent à une division entre ceux qui soutenaient l’Accord National et ceux qui le rejetaient.
Le gouvernement de Bamako n’a jamais montré un intérêt particulier pour conclure le conflit par la voie de l’intégration. Il a tout au contre commencé très tôt à prendre des mesures visant à aiguiser les divisions entre Touaregs. Il créa ainsi deux milices, l’une touareg, avec des forces collaborationnistes, et l’autre parmi la population sédentaire Peul et Songha, les « Ganda Koy » ou Seigneurs de la Terre, reconvertis aujourd’hui en « Ganda Izo », Fils de la Terre. Cette milice, dirigée par des officiers maliens à retraite, a été accusée de commettre des abus contre des Touaregs et des Arabes, radicalisant ainsi le conflit communautaire.
C’est dans ce contexte que les groupes islamistes ont commencé à élargir leur influence parmi la population de l’Azawad tandis que le gouvernement malien exprimait le plus désintérêt pour l’affaire. Un élément que certains membres du MNLA qualifient de politique préméditée à Bamako afin de transformer la zone en une région à risque au niveau international pour en finir ainsi avec la révolte touareg.
Le développement du conflit a plongé l’Azawad dans la misère. Les investissements étatiques sont quasi inexistants, les ressources traditionnelles, comme l’élevage de bétail, ont pratiquement disparues, de même que les échanges commerciaux. Le tourisme, qui avait atteint un certain développement autour de Tombouctou, a disparu depuis la vague de kidnappings de citoyens occidentaux. Certains groupes ont été accusés de participer au trafic international de drogue en servant d’intermédiaires pour rapprocher la marchandise des côtes de la Méditerranée. Mais à la différence de ce qui se passe en Afghanistan, où la population locale cultive l’opium et obtient ainsi quelques revenus, ce n’est pas le cas dans l’Azawad et il n’existe donc aucune source de revenus permettant de soutenir une partie significative de la population. De là la préoccupation de certaines organisations humanitaires islamiques qui travaillent dans la région et qui insistent sur la situation critique dans laquelle se trouve la population civile alors qu’en Occident, on tend à simplifier les choses en les mettant sur le compte des conséquences des sécheresses chroniques.
Depuis que l’intervention a été approuvée par l’ONU, il se produit toute une série de positionnements qui délimitent peu à peu les différents camps. Le gouvernement malien s’est déclaré satisfait avec cette décision, tout en insistant sur la gravité de la situation afin de pousser à une intervention rapide qui lui permette de récupérer les territoires du nord. Il compte pour ce faire sur le soutien inconditionnel de la France. Tant François Hollande que le Ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, évoquent une opération qui peut se produire dans les prochaines semaines avec comme objectif de garantir l’intégrité territoriale du Mali et de lutter contre le terrorisme. Cette décision met gravement en péril la vie de plusieurs otages civils français.
Pour sa part, le MNLA a salué la résolution et s’est montré disposé à collaborer avec les forces d’intervention si leur objectif se limite aux seuls groupes djihadistes. Ce mouvement a cependant souligné le risque que cette opération se transforme en une reconquête qui rende au Mali le contrôle des territoires du nord. Dans un tel cas de figure, le MNLA a annoncé sa disposition à défendre son territoire et à affronter le contingent international. Sa position est réellement difficile car il manque d’alliés capables de modifier la situation en sa faveur. Plusieurs rencontres de médiation entre Bamako et le MNLA se sont déroulées pendant l’été au Burkina Faso, mais n’ont aboutit à aucun accord.
L’Algérie, qui avait joué un rôle médiateur important dans le passé, espère cette fois ci que l’intervention mettra un terme définitif aux restes des groupes islamistes qui ont ensanglanté le pays dans les années 1990. Avec plus de 1.300 Km de frontières avec le Mali, sa principale aspiration consiste à éviter que des groupes comme l’AQMI ou le MUJAO puissent chercher refuge sur le sol algérien.
On débat actuellement de la manière dont devrait se dérouler la campagne. Certaines voix suggèrent une longue période de préparation qui inclut des aspects politiques afin de chercher une solution durable entre le nord et le sud du Mali. Cependant, la majorité des analystes inclinent pour une intervention la plus rapide possible pour n’aborder que postérieurement les aspects politiques. Cette option aurait l’appui de la France, qui souhaite en finir au plus vite avec cette affaire.
Il semble que le poids de l’opération reposerait sur un contingent de troupes des pays de la CEDAO (Communauté des Etats d’Afrique Occidentale) avec le soutien de la France et des Etats-Unis. Mais une telle option entraîne des risques importants vu que les troupes de la CEDAO souffrent de graves déficiences logistiques et matérielles. La France a déjà annoncé qu’elle n’interviendra pas directement et en aucun cas avec des troupes au sol, malgré le fait qu’elle dispose d’un contingent permanent au Burkina Faso. Quand le moment sera venu, ce sera la réalité des faits qui détermineront sans doute son degré d’implication.
Pour le moment, l’ambiance de guerre s’étend dans la région. Les secteurs les plus nationalistes du Mali voient dans l’opération une possibilité d’en finir à la fois avec les islamistes et avec le MNLA, mais leur armée est profondément désorganisée et manque de force pour combattre comme on a pu le constater au printemps dernier. Certaines rumeurs évoquent l’existence de drones, d’avions non pilotés, qui commencent à surveiller les différents groupes qui se meuvent dans le désert. Des rassemblements de groupes islamistes seraient en cours afin d’affronter l’intervention. Il faut cependant manipuler ces informations avec prudence car elles peuvent faire partie d’un plan d’intoxication prémédité pour légitimer l’opération devant la communauté internationale.
On peut difficilement croire qu’une intervention militaire puisse résoudre le conflit de l’Azawad, dont les racines sont antérieures aux événements de ces derniers mois. Une solution stable pour le Mali ne peut passer que par un quelconque accord entre les populations du nord et du sud ainsi qu’entre les diverses communautés qui résident au nord. Ce n’est que sur des bases politiques solides que l’on pourra tourner la page et ouvrir une nouvelle étape. Cependant, les faits indiquent qu’on est encore loin d’atteindre ce stade. Si cela se confirme, il est probable que l’intervention se transforme un épisode supplémentaire d’un conflit de longue durée. Bien que le cadre géographique est essentiellement constitué par le désert du Sahara, il y existe aussi une population civile qui sera la principale victime d’une guerre qui peut se généraliser et contaminer les pays voisins. En tous les cas, il faut insister sur la nature politique du conflit, antérieure à l’intervention, et sur le fait que cette dernière ne fera rien pour le résoudre.
Un scénario l’enlisement du conflit ne peut que favoriser les intérêts du secteur djihadiste qui agit depuis un certain temps déjà dans un cadre supranational. Il faudra voir s’ils disposent de la force et du soutien social nécessaires pour mener la guerre vers le sud. En tous les cas, c’est tout au long de l’histoire que se sont succédés divers épisodes de Djihad qui ont laissé des traces profondes dans la région, depuis l’époque des almoradives au Moyen Age, l’émirat d’Omar el Hadji dans le Sénégal actuel, l’émirat Sokoto au Nigéria, etc. C’est de cette tradition que peuvent s’inspirer les intégristes pour ouvrir un front qui s’étend de l’Atlantique jusqu’au nord du Nigéria, où la présence de Boko Haram a acquis un certain protagonisme médiatique ces derniers mois.
La situation est loin d’être claire. Ces derniers jours ont vu se multiplier les analyses qui tentent de comparer la situation avec l’Afghanistan. Les journaux El Pais, Le Monde ou le New York Times ont publié des éditoriaux qui évaluent les risques. Tout un symbole des difficultés qui vont surgir si au final se concrétise une intervention qui ne peut que contribuer à militariser la région et créer de nouveaux foyers d’instabilité.
Source : http://www.vientosur.info/spip/spip.php?article7333
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera
Paul Martial
Depuis le vote de la résolution présentée par la France et adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 12 octobre, La Cedeao, l’organisation qui regroupe les pays de l’Afrique de l’Ouest, a 45 jours pour présenter un projet d’intervention militaire visant à déloger les groupes islamistes qui occupent la partie nord du Mali. Depuis, les réunions diplomatiques et militaires vont bon train.
Sous la pression de Paris, un consensus dans les principales métropoles impérialistes se fait jour pour une opération militaire. Ainsi, l’Allemagne traditionnellement réticente aux interventions étrangères, est favorable à un soutien logistique de la Bundeswehr.
Cependant, des divergences demeurent notamment avec les États-Unis qui, bien que favorable à la solution militaire, trouvent l’agenda trop précipité. L’administration de Washington échaudée par ses nombreux échecs en matière d’opération extérieure, considère que « l’intervention doit être bien réfléchie, bien préparée, bien financée et bien renseignée » et surtout souhaite impliquer l’Algérie.
C’est le sens de la visite d’Hillary Clinton à Alger qui reste le partenaire privilégié de la Maison Blanche notamment dans la lutte contre le terrorisme dans la région. L’Algérie reste un acteur majeur dans la résolution du conflit malien pour des multiples raisons, la plus évidente étant l’importante frontière commune avec le nord Mali qui est utilisée pour le ravitaillement des différents groupes islamistes. Sa puissance régionale se mesure aussi à son budget militaire estimé à 8 milliards de dollars, bien supérieur aux autres pays, comme les 208 millions du Mali ou les 64 millions du Niger, directement confronté aux activités des groupes armés.
L’Algérie a aussi une connaissance très fine de tous les protagonistes, tant du côté des islamistes, où la plupart des cadres proviennent du Groupe Salafiste pour la prédication et le combat qui a sévi au début des années 2000 dans le pays, que des principales organisations touaregs, où elle a joué le rôle de médiateur dans les différentes rebellions maliennes qui débouchèrent sur les accords de Tamanrasset en 1991 et d’Alger en 2006.
Mais contrairement à beaucoup de pays « va-t-en-guerre », l’Algérie reste opposée à toutes présences militaires non africaines au Sahel. Elle considère qu’une intervention militaire, sans avoir au préalable un projet politique pour le nord-Mali, est une source de déstabilisation de l’ensemble de la région. La diplomatie d’Alger mise plus sur la négociation avec une partie des islamistes.
Actuellement il y a quatre forces principales qui comptent dans cette région, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, organisation touareg indépendantiste, qui après sa victoire militaire dans le nord s’est fait chasser par les groupes islamistes, AQMI, le Mujao et Ansar Edine.
Alger a entrepris des discussions avec les dirigeants du MNLA pour qu’ils abandonnent leur objectif d’indépendance, ce qui semble acquis. Avec Ansar Edine, les négociations continuent. Bien que ce groupe ne se distingue guère des deux autres – notamment par sa volonté de soumettre les populations à sa loi, ses destructions de mausolées et monuments, ses pratiques d’amputation et de flagellation – il reste pour Alger une émanation du nord-Mali dont ses dirigeants sont des touaregs reconnus.
Il n’est pas exclu qu’Ansar Edine se détache d’AQMI, abandonne les pratiques les plus odieuses de la charia et opère un rapprochement avec le Haut Conseil islamique du Mali. En effet, ses dirigeants ont une très forte influence dans le pays et ont été en capacité de mobiliser des dizaines de milliers de personnes contre le code de la famille jugé trop favorable aux femmes et non conforme à l’Islam.
Le discrédit de la classe politique pourrait leur offrir de jouer le rôle d’alternative, alors que les forces progressistes maliennes ont du mal à faire entendre leur voix. Ainsi, les populations risquent de se trouver prises au piège entre une politique belliciste menée par les capitales occidentales et une politique islamiste réactionnaire.
Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 169 (09/11/12).
http://www.npa2009.org/content/mali-la-menace-d%E2%80%99un-pi%C3%A8ge