, 18 août 2013
L’Egypte a explosé, comme cela était prévisible. Et cette explosion a pulvérisé la gauche arabe. Ou, pour mieux dire, les restes de la gauche arabe, parce que cette dernière s’est en réalité suicidée. La situation rappelle beaucoup le film « La vie de Brian » des Monty Python : dans la scène finale, un groupe de combattants aguerris – et bien armés – rejoignent Brian sur sa croix, qu’ils considèrent comme un leader révolutionnaire et, pour le sauver,… se suicident. C’est exactement ce que fait la gauche arabe depuis le début dudit « printemps arabe ».(1)
C’est seulement maintenant, de manière encore timide, qu’on commence à publier dans les milieux progressistes occidentaux des critiques, jusqu’ici occultées, sur les dérives de la gauche arabe et son orientation dans les révoltes. La crainte qu’on vous étiquette comme un « sympathisant des islamistes » est grande et on sait qu’il est ensuite très difficile de se débarrasser d’une telle caractérisation.
Mais quiconque a les yeux ouverts - sans parler de l’esprit - doit constater que si la gauche arabe a commencé son déclin dans les années 1990 après le coup d’Etat militaire en Algérie, aujourd’hui, avec l’attitude de soutien au coup d’Etat militaire qu’elle a adoptée en Egypte et les appels qu’elle lance dans le même sens en Tunisie, cette gauche n’a qu’un seul avenir : le néant.
De nombreux analystes se sont rendu compte qu’on peut établir un parallélisme entre le coup d’Etat en Algérie de 1992 et celui d’Egypte en 2013, mais la plupart omettent de signaler que le putsch en Algérie avait été encouragé par l’Union Générale des Travailleurs (UGT, principal syndicat du pays, NdT) et par le Parti de l’Avant-Garde Socialiste (PAGS, héritier de l’ancien Parti Communiste d’Algérie). Le Front Islamique du Salut avait gagné les élections au premier tour, son triomphe était garanti au second et c’est cela qui devait être évité à tout prix. L’UGT et le PAGS n’ont pas hésité un seul instant à chercher l’appui et la collaboration du patronat, rassemblé dans l’Union des Entrepreneurs Publics, et des intellectuels réunis dans la Coalition pour la Culture et la Démocratie. Lorsque cette grande « Coalition Nationale pour le Salut de l’Algérie » a pris corps, l’armée a fait un coup d’Etat militaire.
A quoi font donc référence aujourd’hui les noms de Front de Salut National en Egypte et en Tunisie, et encore plus quand on constate quelles forces y participent ? Et que penser lorsqu’on voit que l’Union Générale des Travailleurs de Tunisie (UGTT) lance au gouvernement d’Ennahdha un ultimatum expirant dans une semaine pour la création d’un « gouvernement technocratique », à défaut de quoi elle « serait obligée de considérer d’autres options » ?
Un refrain dit qu’il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Ce qui se passe en Egypte reproduit exactement l’expérience algérienne. Et c’est la même voie sur laquelle s’est engagée la gauche en Tunisie. Avec la différence qu’en Egypte les islamistes avaient triomphés à plusieurs élections depuis 2011, comme l’ont souligné certains analystes tel Essam Al-Amin, sans doute le critique le plus lucide sur ce qui se passe en Egypte (2).
Cependant, quelque chose a échappé à Essam. Ainsi, il est attendrissant de voir comment le nouveau ministre du Travail égyptien, Kamal Abu Aita, fondateur de la jeune Fédération Egyptienne des Syndicats Indépendants (FESI) - et critique féroce de la répression des militaires quand ces derniers interdisaient les grèves au nom du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) et emprisonnaient les syndicalistes dans les mois qui ont suivi la chute de Moubarak sous l’accusation de « stopper le cycle productif et miner l’économie » -, dit aujourd’hui publiquement qu’il faut immédiatement mettre fin aux grèves et que « les héros des grèves (de l’époque) doivent se convertir en héros du travail et de la production ».
La sortie du nouveau ministre a été tellement abrupte que d’autres dirigeants syndicaux de la FESI ont du sortir du bois pour nuancer les choses en affirmant qu’ils n’allaient pas aussi loin et qu’ils se limitaient à demander « une suspension d’un an » de toutes les grèves afin de permettre l’application des réformes. Car, selon eux, si cette forme de lutte ouvrière se maintient, « cela ne fera que servir la stratégie des Frères Musulmans ». Avec plus ou moins de nuances, c’est exactement le même discours que tiennent d’autres organisations comme la Fédération Syndicale Egyptienne (le syndicat vertical de l’ère de Moubarak) et le Congrès Ouvrier Egyptien.
En Egypte, malgré la répression de Moubarak, des militaires et des islamistes la seule gauche conséquente est dans les syndicats, qui sont les plus combatifs du monde arabe. Pendant l’étape post-Moubarak et en pleine répression militaire du CSFA, il y a eu 3.817 grèves, soit bien plus que le nombre de grèves au cours des dix dernières années de pouvoir de Moubarak. Et le mouvement syndical a été encore plus loin pendant le gouvernement des Frères Musulmans avec 5.844 grèves, subissant également une dure répression anti-syndicale, la police attaquant les grévistes avec des chiens par exemple.
Et aujourd’hui, le ministre du Travail et les syndicats demandent qu’on arrête cette forme de lutte ? La combativité des travailleurs égyptiens est hors de doute, mais la pression qu’exercent les sommets syndicaux-politiques-ministériels-médiatiques est telle qu’il ne serait pas étonnant de voir bientôt comment on criminalise ceux qui ne suivront pas ces appels à abandonner la lutte ouvrière, car une grande partie des grèves menées jusqu’ici ont été lancées en marges des structures syndicales.
Y a-t-il une quelconque personne saine d’esprit qui pense que le nouveau gouvernement va changer d’un iota la politique économique néolibérale de Moubarak, celle de l’étape post-Moubarak du CSFA et des Frères Musulmans ? Nous assistons à une claire tentative de contention et de contrôle total du mouvement ouvrier. Jusqu’à présent, toutes les tentatives en ce sens ont échouées. Mais aujourd’hui, c’est la gauche qui le fait aussi, en s’appuyant sur la « légitimité » de la nouvelle situation « qui a été impulsée par la lutte des masses ». C’est ce que dit, par exemple, le Courant Populaire d’Egypte (nassériens). Et cet argument, répété jusqu’à la nausée à l’intérieur et à l’extérieur du pays, pèse beaucoup.
Ici s’engage un nouveau débat : la « sariyya » (légitimité). Pour les Frères Musulmans, elle se situe dans les élections qu’ils ont gagnées ; pour ceux qui soutiennent les putschistes, elle est dans la place Tahrir. Il est clair qu’il y a d’autres légitimités, mais cela n’intéresse ni les uns ni les autres vu que tous deux se meuvent à l’intérieur du système. Et le système accepte presque tout ; une révolution nationale ou bourgeoise, mais jamais une révolution socialiste qui change le modèle économique.
Ainsi, lorsque la gauche sort dans les rues en couvrant l’appel des militaires à « combattre le terrorisme » - qui n’existe pas – au nom de la « légitimité » de la nouvelle situation, ou bien elle est en train de creuser sa propre tombe, ou bien elle est en train de reconnaître qu’elle n’ira jamais plus loin que ce que veut le système, ou bien elle est en train de savonner sa pente vers le néant, vu que l’armée égyptienne d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de l’époque de Nasser. Le fait que l’appel à soutenir la politique de l’armée dans les rues ait été lancé pour le 26 juillet, date anniversaire de la nationalisation du Canal de Suez par Nasser, n’y change rien.
Cela, s’est jouer avec la psyché des masses vu que, en contradiction totale avec les nationalisations de Nasser, les nouveaux gouvernants vont au contraire approfondir les politiques néolibérales et privatisatrices impulsées tant par Moubarak que par les Frères Musulmans. S’il y avait le moindre doute à cela, jamais l’Arabie Saoudite, ni le Qatar, ni les Emirats Arabes Unis, ni le Koweït, ni les Etats-Unis, ni l’UE, ni le FMI n’auraient prêtés 12 milliards de dollars à l’Egypte et offert leur soutien au coup d’Etat. Les nassériens de gauche égyptiens, si heureux avec le coup d’Etat militaire, semblent tout bonnement ignorer ce simple fait.
Ceux qui se considèrent de gauche dans le monde arabe devraient lire Marx. Lire, et non relire, car il est douteux qu’ils l’aient fait et si tel est le cas, c’était il y a longtemps. Et il faudrait commencer par « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte ». Les militaires veulent se donner une légitimité et cherchent cette légitimité dans les masses, en liant certaines initiatives avec des dates clés de l’histoire égyptienne, comme la nationalisation du Canal de Suez. Marx avait expliqué de manière magistrale ce comportement de l’oligarchie politique et militaire en 1852 en France, mais de manière surprenante la gauche ne s’en souvient pas. Marx avait analysé la révolution française de 1848-1851 ; il développa en outre les concepts fondamentaux du matérialisme historique, la théorie de la lutte des classes et de la révolution prolétarienne, de l’Etat et de la dictature du prolétariat. Il arriva pour la première fois à la conclusion que le prolétariat triomphant doit détruire la machine de l’Etat bourgeois. Mais la gauche arabe d’aujourd’hui n’a pas le moindre intérêt à détruire l’Etat bourgeois, ni en Egypte ni presque partout ailleurs.
Il n’y a sans doute qu’une seule organisation qui poursuit cet objectif en Egypte ; ce sont les Révolutionnaires Socialistes (RS). Comme toute la gauche, ils ont salué avec enthousiasme la chute de Morsi mais ils semblent aujourd’hui commencer à se rendre compte du danger, non seulement en constatant les massacres des sympathisants des Frères Musulmans, mais aussi la poursuite des mesures répressives contre les grévistes. Une dirigeante des RS, également dirigeante dans la FESI, Fatma Ramadan, reconnaît que le paternalisme des militaires est un « poison mortel » pour la classe ouvrière et comprend clairement ce qui se passe : « les revendications des travailleurs sont claires ; du travail pour eux et leurs enfants, un salaire juste, des lois qui protègent contre patrons, des plans réels de développement, des libertés de tous types, la fin des tortures et des assassinats… Les travailleurs ne doivent pas se laisser duper ni cesser de faire pression sous des prétextes tels que la lutte contre le terrorisme ». (3)
Ces voix, clairement minoritaires aujourd’hui au sein de la gauche arabe, ont une excellente opportunité de se racheter de l’appui initial au coup d’Etat en soutenant à fond les grévistes qui refusent de céder aux pressions du nouveau pouvoir afin qu’ils cessent leur lutte. Une fois de plus, ce sont les combatifs travailleurs du textile de Mahalla al-Kubra qui sont à l’avant-garde, en poursuivant la grève qu’ils ont initié le 31 juillet contre le retard du paiement des salaires dans deux entreprises ; Nasr Spinning and Weaving Company et Stia Spinning and Weaving Company. Le slogan porté par les grévistes est clair : « Ne te laisse pas duper par l’armée ! ». Au moment d’écrire ces lignes, la grève dure depuis une semaine. Nous verrons si elle est gagnée ou si les grévistes seront, comme d’habitude, réprimés par la police.
Il est clair que les appels à la « paix sociale » se produisent parce qu’il y a la peur que la situation n’échappe à tout contrôle parce que - et c’est ainsi qu’il faut interpréter le coup d’Etat - car le mouvement des masses déborde tous les plans, tant ceux de l’oligarchie égyptienne – où se placent les militaires – que ceux de la dite « intelligentsia laïque et libérale » - qui n’a jamais opté pour un quelconque changement révolutionnaire dans le modèle économique - et ceux de l’Arabie Saoudite, du Qatar ou des Etats-Unis. Et y compris d’Israël.
Il y a une autre facette de la situation que la gauche ne prend pas en compte ; ce sont les implications régionales de ce qui se passe en Egypte. Toute analyse de l’Egypte ou d’ailleurs doit tenir compte de la situation géopolitique et ne peut être faite de manière isolée. Ceux qui ne le font pas ne voient que l’arbre au lieu du bois.
Les Frères Musulmans ont commis de nombreuses erreurs, mais leur erreur cruciale fut la tentative de mettre en peu de temps la main sur tous les secteurs du pouvoir en Egypte, ce qui les a heurtés à la fois aux militaires, aux libéraux et aux salafistes (financés par l’Arabie Saoudite).
Et, ensemble avec cette erreur, une autre non moins importante : les Frères Musulmans, en dépit d’être les « enfants » des intérêts de l’Occident dans la région – et spécialement des Etats-Unis, avec qui ils maintenaient d’excellentes relations depuis 2007 – ont commencé à agir en solo en tentant de contrôler toute la zone arabe où se sont produites des révoltes : Tunisie, Libye, Liban, Jordanie et Syrie. C’est dans ce dernier pays qu’ils se sont heurtés au premier obstacle de taille : l’Arabie Saoudite. On dit que l’ambassadeur saoudien au Caire a fait pression de toutes ses forces pour éviter la victoire de Morsi aux élections de 2012, ce qui a du sens si on tient compte du fait que l’Arabie Saoudite a été le premier pays à saluer le coup d’Etat militaire et à féliciter le président intérimaire.
Certains ont évoqué le conflit de pouvoir régional entre l’Arabie Saoudite et le Qatar, les premiers soutenant les salafistes et les seconds les Frères Musulmans. En dépit de ce qu’on considère comme des évidences, il n’est pas crédible qu’un petit Etat ayant moins de deux millions d’habitants s’engage dans une lutte de pouvoir régional qu’il sait perdue d’avance. Il est vrai qu’il y a eu des frictions entre les deux pays pour le contrôle de l’exploitation du gaz dans la région, par exemple, mais, selon moi, le Qatar n’a été que le fer de lance des Saoudiens, tandis que la lutte pour le pouvoir se produit au sein du régime saoudien lui-même, gouverné par un gérontocrate malade qui l’a paralysé pendant un an et demi. Le Qatar a tiré profit de cette inactivité dans la politique étrangère saoudienne pour se donner quelques marges de manœuvre, mais il n’y avait en réalité pas de grandes différences quant aux intérêts des uns et des autres dans leur volonté de soumettre les révoltes. Le Qatar a joué le rôle du « bon » flic et l’Arabie Saoudite celui du « méchant ». De fait, ces deux pays se sont empressés d’envoyer de l’argent à l’Egypte pour soutenir le nouveau régime et il est significatif que la première visite dans un pays étranger réalisé par le nouvel émir du Qatar ait été, en suivant la tradition de son père, l’Arabie Saoudite. Tout est rentré dans l’ordre dans le Golfe.
Le véritable conflit de pouvoir au Proche Orient concerne l’Arabie Saoudite et la Turquie, les deux pays qui ont émergé en tant que puissances régionales au début des révoltes, et après avoir constaté la perte d’influence des Etats-Unis dans la zone. Il est très significatif que les Frères Musulmans aient choisi Istanbul comme siège de la réunion secrète qu’ils ont eu dès que s’est produit le coup d’Etat militaire qui les a chassé du pouvoir en Egypte (4) et dans laquelle fut décidée la stratégie à développer face à la nouvelle situation. Ce n’était pas une question de proximité, mais bien de parrainage.
Il est également significatif que la Turquie ait condamné le coup d’Etat tandis que, comme on l’a dit, les Saoudiens l’ont soutenu. Et que, dans une mesure sans précédent, Erdogan ait décidé de frapper la rébellion de ses militaires en condamnant, justement maintenant, plusieurs généraux importants à des peines de prison sous l’accusation d’avoir préparé un coup d’Etat en 2007. Le message est clair : il ne permettra pas une alliance, comme en Egypte, entre les militaires et les laïcs contre sa politique au moment où les braises allumées par les récentes protestations ne sont pas encore éteintes.
La Turquie traverse cependant maintenant de graves difficultés, tant internes (les protestations et l’accord avec les Kurdes du PKK) qu’externes (les Kurdes syriens et leur décision annoncée de proclamer en août leur autonomie dans le nord de la Syrie) qui l’a rend plus faible dans cette lutte de pouvoir régional. Elle n’est plus le joueur explosif d’il y a deux ans (Erdogan fut le premier chef d’Etat musulman à visiter la Libye après le renversement de Kadhafi, de même en Tunisie et il fut également l’un des premiers à visiter le Caire après le renversement de Moubarak) bien qu’elle n’ait pas perdu toute sa force. C’est le moment choisi par l’Arabie Saoudite non seulement en Egypte, mais aussi en Syrie, en imposant son candidat entre les rangs des « rebelles ».
Tandis que l’Arabie Saoudite et le Qatar se sont partagés les rôles et ont convergé dans la stratégie sectaire contre les chiites, la Turquie a été plus prudente dans cet aspect des choses vu ses bonnes relations avec l’Iran. Il ne faut pas oublier que si la Turquie a été l’une des puissances qui ont encouragé la guerre en Syrie, elle a voulu canaliser son soutien politique et militaires aux forces moins sectaires, exactement le contraire de ce qu’on fait les deux autres pays, comme vient de l’admettre l’ONU en affirmant que « 60% des armes que l’Arabie Saoudite a livré à l’opposition syrienne ont atterri dans les mains d’organisations liées à Al-Qaïda » (5).
Le fait que les militaires égyptiens – avec l’approbation ou non du gouvernement intérimaire, qui n’a de toute façon pas protesté contre cette décision – aient fermé le passage frontalier de Rafah, l’unique voie d’issue des Gazaouis face au blocus d’Israël, ne devrait pas surprendre. Le pouvoir militaire a fermé 80% des tunnels qui donnaient encore un peu de vie à la population martyrisée de Gaza (6). Il n’est pas étonnant non plus que l’une des accusations portées contre Morsi soit ses liens avec le Hamas. Morsi avait seulement bougé un peu les lignes - rien qu’un petit peu - par rapport aux relations avec Israël, mais rien que cela fut considéré comme une menace intolérable pour le statu quo régional. L’accord de paix avec Israël, stratégique pour les Etats-Unis, doit être maintenu coûte que coûte. Y compris au prix d’un coup d’Etat.
Dans cette question, comme dans d’autres, la gauche égyptienne regarde ailleurs, quand elle ne se fait pas de vaines illusions sur le « nationalisme conservateur anti-impérialiste » des militaires, qui a été répété comme un dogme par un secteur significatif de la gauche occidentale. Même des marxistes éminents comme Samir Amin ont qualifié l’armée égyptienne de « force de classe neutre » probablement « enflammée » par la mobilisation des masses – mais certainement pas 32 millions de personnes, comme l’ont dit à la fois certains médias de gauche et bourgeois – dans une sorte de folie temporelle que Frantz Fanon (un autre auteur qu’il faudrait lire) appellerait « dissonance cognitive ».
On ne peut être plus naïf. La bourgeoisie a usurpé tous les symboles de la gauche, à commencer par le langage. Ou plutôt, la gauche s’est rendue avec armes et bagages à la bourgeoisie. Cela équivaut à son suicide. Il n’est pas aventureux de dire que la gauche arabe s’achemine vers le néant. Nulle part dans le monde arabe il n’y a eu encore de révolution véritable et le fait d’admettre que ce qui se passe aujourd’hui est une « révolution » suppose une « déradicalisation » des luttes, qui se font toujours dans les limites du système capitaliste.
Pour en finir avec toutes les formes d’oppression, un processus révolutionnaire suppose la transformation de tous – j’insiste, de tous – les aspects de la société, non seulement des rapports interpersonnels mais aussi des appareils d’Etat et des rapports sociaux économiques et productifs. Il n’y a rien de cela dans le monde arabe, ni même des prémisses de cela à moyen ou à long terme, même si certains rêvent encore de « révolution permanente » ou d’un « processus de longue durée dans lequel rien n’est décidé ». En restant généreux avec eux ; ils oublient la géopolitique. Comme toujours.
Source : http://www.nodo50.org/ceprid/spip.php?article1717
Alberto Cruz est journaliste, politologue et écrivain. Son nouveau livre est : « Las brujas de la noche. El 46 Regimiento “Taman” de aviadoras soviéticas en la II Guerra Mundial » (« Les Sorcières de la Nuit. Le 46e régiment « Taman » d’aviatrices soviétiques dans la IIe Guerre Mondiale »).
Notes :
1.- Alberto Cruz, « ¿Dónde fueron todas las flores en la ‘primavera árabe’ ? » http://www.nodo50.org/ceprid/spip.php?article1492
2.- Esam Al-Amin, « El gran fraude : Reflexiones en torno al golpe militar de Egipto » http://www.rebelion.org/noticia.php?id=171657
3.- « Al-Manshour », 26 juillet 2013, en arabe ; http://al-manshour.org/node/4316
4.- « Islamic Invitation Turkey », 15 juillet 2013.
5.- « Al-Akhbar » (Liban), 2 août 2013.
6.- « Al-Masri Al-Yawm » (Egypte), 15 juillet 2013. Il faut ajouter que Morsi avait également fermé, en innondant avec des eaux fécales plus ou moins 10% des tunnels dans une tentative de complaire à Israël et aux Etats-Unis. Si ces chiffres sont exacts, cela signifie que Morsi et les militaires qui l’ont renversé, avec le soutien de la gauche, ont détruits 90% des tunnels qui apportaient un peu de vie à Gaza pour pallier au blocus israélien.
Javier Barreda
Il n’y a pas de contradiction entre le fait que plusieurs millions d’Egyptien ont demandé le 30 juin dernier que Morsi abandonne la présidence, par un référendum ou des élections présidentielles anticipées, et qu’un coup d’Etat mené par l’armée se soit produit le 3 juillet. Il n’y en n’a pas non plus entre le fait que depuis plusieurs mois, d’importantes forces régionales et locales ont conspiré pour affaiblir la position de Morsi par le sabotage de l’économie, de l’énergie, de la sécurité et de l’objectivité journalistique tandis que les millions d’Egyptiens déjà mentionnés avaient leurs propres raisons pour exiger le départ du président.
Ce qui surprend par contre, c’est que l’immense majorité des dirigeants politiques et des personnalités publiques - à l’exclusion des Frères Musulmans et de deux ou trois partis islamistes moins importants -, dont le parti salafiste Al-Nour (21,8% des votes aux dernières élections législatives) et l’Egypte Forte, de l’ex-candidat présidentiel Abdel Moneim Abdel Futuh (17,8% des votes au premier tour), aient applaudis, niés ou tolérés le coup d’Etat et, surtout, qu’ils continuent à le faire en dépit de leurs critiques sur des aspects partiels du nouveau processus entamé.
Le soutien au coup d’Etat des dirigeants du parti Wafd (8,6% aux législatives) et des Egyptiens Libres (3%) n’est quant à lui pas surprenant. Confortablement installés sur l’échiquier politique sous Moubarak (sauf dans le cas du dernier, qui n’existait pas à l’époque) et ayant collaboré avec lui, ils se sont ensuite convertis en « révolutionnaires » et ont depuis lors ouvert leurs rangs aux ex-membres officiels de ce régime. Leurs présidents millionnaires (Badawi et Sawiris) ont mis leurs chaînes de télévision et leurs médias (déjà autorisés au temps de Moubarak) au service du maquillage de la réalité et de la diabolisation des Frères Musulmans. Sawiris, qui a déclaré être entré en politique après la chute de Moubarak « pour contrecarrer l’expansion des idées socialistes dans la jeunesse », a reconnu qu’il a accordé des facilités matérielles aux fondateurs du mouvement « Tamarod », « sans qu’ils ne sachent d’où elles venaient », ce dont il n’est « nullement honteux ». Ces fondateurs affirment quant à eux qu’ils n’ont « pas demandé l’aide de l’armée » dans les semaines précédent le coup, que c’est l’armée « qui l’a offerte » et qu’ils se sont limités à l’accepter.
Le Wafd et les Egyptiens Libres sont aujourd’hui les principaux représentants de la droite dite « laïque » en Egypte et ils le sont grâce à la garantie d’êtres « non moubarakistes » que bon nombre leur concèdent facilement à partir d’une conception assez étroite de ce régime. Mais dans le sillage du Wafd et des Egyptiens Libres navigue une bonne quantité de partis mineurs – dont certains sont ouvertement moubarakistes -, la grande majorité des grands médias et un nombre significatif de figures publiques.
Depuis le 3 juillet, les ramifications médiatiques de ce secteur, avec en son sein les médias publics – étonnamment indemnes de toute prise de contrôle par les Frères Musulmans comme on l’avait tant de fois dénoncé – se sont en outre consacrés à occulter des informations et des opinions (par exemple, sur les manifestations des partisans de Morsi et la violence exercée contre elles), à glorifier non seulement l’armée mais aussi la police qui, selon l’Organisation Egyptienne des Droits de l’Homme, tant sous la présidence des militaire que sous Morsi, a arrêté et torturé pour raisons politiques relativement plus que depuis la chute de Moubarak. La différence entre ces différentes époques est que la police n’était pas avec Morsi et la grande erreur de celui-ci, que ce soit par tactique ou par conviction, a été de ne pas se presser de tenter de démanteler cet appareil répressif.
Il faut signaler que, du point de vue de leurs positions macro-économiques, les Frères Musulmans ne se distinguent pratiquement en rien de la droite laïque capitaliste. A de nombreuses occasions, ses dirigeants – dont beaucoup sont de prospères entrepreneurs – ont exprimé leur adhésion au libre marché et au capitalisme et ont même fait les éloges de la politique économique de privatisations et de libéralisation suivie par Moubarak dans sa dernière phase. Autre chose sont ses promesses de justice sociale, qui convainquent bon nombre de ses partisans des classes les plus populaires. Les différences entre les Frères Musulmans et le reste de la droite s’inscrivent dans le cadre de certains aspects sociaux et culturels de leur idéologie et, surtout, du moins au niveau des dirigeants, dans la lutte pour l’hégémonie d’une élite contre d’autres.
Quant au parti salafiste Al-Nour, on sait qu’il est généreusement financé par l’argent saoudien et du Golfe et que ses dirigeants et partisans s’abstinrent de participer à la politique dans les 15 dernières années du régime de Moubarak – beaucoup d’entre eux ont participé dans les années 1990 à la lutte armée contre lui. Ils ne se sont intégrés au jeu politique qu’après sa chute, avec la bénédiction du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) afin de faire contrepoids aux Frères Musulmans.
En dépit du fait qu’ils les ont aidés aux présidentielles, ils ont été très critiques avec la politique des Frères Musulmans, depuis le début du mandat de Morsi jusqu’au 30 juin. Leur posture déclarée face à ce dernier se résume à la constatation de ses erreurs au gouvernement et une formidable animosité les sépare des Frères Musulmans – qui n’ignorent pas que les salafistes ont été en grande partie promus par des pouvoirs factices. Leur crainte d’un retour à l’ « Etat policier » les a néanmoins amenés à soutenir la proposition de Morsi d’élections anticipées et ils ont initialement soutenus la « feuille de route » des militaires et la déclaration constitutionnelle du nouveau président – après s’être assuré de la permanence de l’Islam comme religion d’Etat et principale source de la législation – et ont appelé les Frères Musulmans à se retirer des rues.
Ils se sont ultérieurement désolidarisés de la « feuille de route » et on accrus leurs critiques envers cette même déclaration constitutionnelle et la formation du nouveau gouvernement, ainsi que la campagne médiatique, la violence et la répression contre les Frères Musulmans, qu’ils continuent cependant à tenir pour responsables, à cause de leur « obstination », de l’évolution des événements. Selon eux, les événements qui ont conduit au 3 juillet se situent entre le mouvement révolutionnaire et le coup d’Etat.
La position de Abdul Futuh et de son parti, l’Egypte Forte, face à l’aspect spécifique que nous avons abordé, est quasi identique à celle de Al-Nour en dépit des énormes différentes entre eux par ailleurs puisque l’islamisme de Abdul Futuh est trop libéral en politique et en morale pour les salafistes (et aussi pour les dirigeants des Frères Musulmans, dont il a fait partie il y a quinze ans). Abdul Futuh, avec son image méritée d’homme intègre et porté au dialogue, pourrait être un homme important dans un avenir à moyen terme réellement ouvert à la réconciliation et à des troisième ou quatrième voies, un avenir qui cependant bien compliqué d’imaginer aujourd’hui.
Quant au spectre politique diffus et fragmenté du centre-droit et du centre-gauche, ou ceux qui prétendent le composer, les deux secteurs ont trouvé un point de convergence dans la figure de Al-Baradei et de son parti, Al-Dustur. Al-Baradei, accusé par beaucoup d’être un agent de l’étranger, est arrivé en Egypte en 2010 auréolé d’une gloire médiatique internationale qui le présentait comme le champion de la lutte contre Moubarak et le candidat à sa succession via des élections, alors que la majorité des Egyptiens ignoraient jusqu’alors son nom.
Aujourd’hui sans s’être jamais présenté à une élection, il est vice-président pour les Affaires Etrangères du régime instauré après le coup d’Etat (depuis lors, il a démissionné à la suite des massacres perpétrés par l’armée, NdT) et il est à la tête du Front du Salut National qui a agglutiné l’opposition à Morsi des grands partis et qui rassemble le Wafd, les Egyptiens Libres, son propre parti et le Courant Populaire, parmi d’autres. Le parti de Baradei se déclare libéral en politique et en économie, il défend ouvertement le libre marché tout en s’opposant aux privatisations et compte de nombreux dirigeants et partisans de la lutte contre Moubarak, dont beaucoup d’origine de gauche proches du nassérisme, comme le fondateur de Kifaya, Georges Ishaq, ou l’écrivain Alaa Al-Aswani.
Ces derniers mois, Al-Baradei s’est déclaré disposé à ouvrir les portes de son parti à d’ex-membres du régime de Moubarak, ce qui a provoqué un tollé dans une grande partie de sa base. Al-Baradei et son parti soutiennent à 100% la feuille de route des militaires.
Au sein de la gauche, il convient de souligner actuellement le parti Courant Populaire, qui prétend rassembler les partisans de l’idéal nassérien dans sa défense du rôle central de l’Etat dans le développement de l’économie, et donc en faveur de la renationalisation de la majeure partie des entreprises privatisées par Moubarak, ainsi que des droits des travailleurs, mais à partir d’une perspective qui rejette le marxisme et la lutte des classes.
Son président, Hamdín Al-Sibahi, a surpris ses propres partisans en obtenant plus de 21% des votes lors du premier tour des élections qui, selon certains, furent manipulées pour l’écarter du second tour. En réalité, cependant, ce résultat n’est pas étonnant : Sibahi représente aux yeux de beaucoup l’unique option face aux candidats de l’ancien régime et des islamistes, et bon nombre de ses électeurs sont d’authentiques partisans d’un nassérisme « modéré » par son acceptation de la démocratie et dans son rapport avec l’islamisme politique, persécuté sans pitié par Nasser à l’époque.
Dans les 6 ou 7 dernières années avant la chute de Moubarak, de nombreux nassériens ont effectivement tendu des ponts de communication et de coopération avec les islamistes contre le dictateur et Sibahi lui-même s’était allié, avec son parti d’alors, Al-Karama, avec les Frères Musulmans aux élections législatives de 2012. Certains d’entre eux avaient exigé qu’on respecte la victoire de Morsi aux élections présidentielles. Mais, après son succès a ces dernières, Sibahi a voulu réunir tous les courants et partisans du nassérisme, avec tout ce que cela implique de concessions à l’autoritarisme, à la confiance quasi aveugle dans l’institution militaire et à la rancœur vis-à-vis des islamistes. Les Frères Musulmans ont accusé des membres du Courant Populaire d’avoir attaqué leurs propres partisans dans diverses provinces d’Egypte.
Parmi la trentaine de portefeuilles ministériels du nouveau gouvernement qui se prétend « d’unité nationale » et d’ « experts », formé par Hazem Biblawi après le renversement de Morsi, le Courant Populaire en compte deux, Al-Dustur deux également et le Wafd un. Le Parti Social Démocratique en a deux (y compris le président). Avec eux se trouvent divers ex-membres des cabinets nommés pendant et après la chute de Moubarak, tant par les militaires que par Morsi (certains ont été démis et un a démissionné). Il y a également deux militaires, outre le Ministre de la Défense, Al-Sissi, et un ex-général de la police, en outre du Ministre de l’Intérieur. Finalement, une grande partie d’entre eux ont occupé des postes de responsabilité sous le régime de Moubarak, trois d’entre eux ayant été membre de son Bureau Politique ces dernières années.
Bon nombre d’entre eux ont joué un rôle important dans les secteurs liés à la libéralisation de l’économie. On a assigné aux ministres de tendance nassérienne les ministères du Travail, de l’Eduction et de la Jeunesse. Les postes économiques sont toujours aux mains des libéraux. Ceux de la Défense, de l’Intérieur, de la Production Militaire et du Ravitaillement sont aux mains de militaires ou de policiers (le ministre de l’Intérieur est toujours le même que sous le gouvernement Morsi). La ministre de l’Information est une ex-membre du Bureau Politique du parti de Moubarak. Il est donc évident que le nouveau gouvernement est un gouvernement d’unité… face à Morsi et aux Frères Musulmans et on comprend les ricanements de leurs partisans – et sans doute aussi du reste des islamistes – rassemblés le 19 juillet dans les places d’Egypte face à la prétention que ce gouvernement soit « d’unité nationale ».
L’auteur de ces lignes a tenté de comprendre les positions de ceux qui ont sanctionné le coup d’Etat. On peut comprendre que beaucoup d’entre eux peuvent être honnêtes dans leur conviction – sans doute juste – selon laquelle la majorité du peuple voulait le départ de Morsi, qui considèrent que les Frères Musulmans portaient le germe de l’autoritarisme et qui pensent qu’il fallait donner une issue à la situation de blocage politique, de détérioration économique. Bon nombreux d’entre eux font probablement pression pour que les mobilisations constantes des Frères Musulmans ne soient pas réprimées de manière encore plus sanglante. Et il est évident que ceux qui ont une fibre révolutionnaire et démocratique placent leur espoir dans le fait que la mobilisation populaire des uns et des autres ne permettra pas le retour à un régime ouvertement autocratique et répressif.
Mais il est difficile de comprendre, au-delà du fait qu’ils soient parfaitement conscient d’avec qui ils sont alliés, qu’ils ne se rendent pas compte que le fait de fermer les chaînes de télévision des islamistes, d’emprisonner les dirigeants des Frères Musulmans avec de fausses accusations et, surtout, d’occulter l’existence de plusieurs millions de personnes dans les rues d’Egypte, comme l’a fait la télévision d’Etat, qu’avec tout cela donc, la distance entre un tel régime autocratique et répressif est pour le moins très petite. Certaines figures du nouveau gouvernement – comme la ministre de l’Information – ne semblent pas promettre de réduire cette distance, tout au contraire.
Tous les Arabes connaissent sans exception le dicton « Ils m’ont mangé le jour où ils ont mangé le taureau noir », équivalent au « Ils sont d’abord venus prendre les communistes… », erronément attribué à Brecht. Mais il semble bien que beaucoup d’entre eux, à commencer par des communistes, l’oublient quand ce sont les islamistes que l’ont vient chercher en premier, en dépit d’avoir déjà connus certaines expériences de ce genre (par exemple, sous la présidence de Nasser).
Et vu que nous parlons des communistes, je conclurai avec certains d’entre eux et avec d’autres ayant un poids numérique limité et aux maigres moyens, mais qui ont un grand prestige, une importance symbolique et de possibles perspectives de croissance. Le Mouvement du 6 Avril a joué un rôle fondamental depuis le 6 avril 2008 et jusqu’à la chute de Moubarak, non seulement directement, mais aussi avec leur travail de convergence entre différents courants idéologiques d’opposition – et en particulier entre islamistes et laïcs – et entre le mouvement ouvrier et le reste de la société. Au second tour des élections, ce fut la seule force politique non islamiste qui a soutenu publiquement Morsi face au candidat de l’ancien régime Ahmad Shafiq, dans le but d’empêcher son retour.
Le Mouvement du 6 Avril a ensuite soutenu la campagne de Tamarod contre Morsi, sans s’intégrer cependant au Front de Salut National. Face au coup d’Etat et aux processus ultérieur, ils ont maintenus une position critique sans aller jusqu’à manifester contre lui, rejetant, par exemple, le nouveau gouvernement à cause de la présence en son sein d’ex-membres du régime de Moubarak et dénonçant sans ambages et sans se laisser confondre la violence utilisée contre les partisans de Morsi. En dépit des tentatives constantes de provoquer des divisions et d’introduire des cooptations dans ses rangs, ils sont parvenus à maintenir leur indépendance et leur clairvoyance face à toutes les formes d’autoritarisme.
Moins importants numériquement et médiatiquement, les Révolutionnaires Socialistes, d’inspiration trotskyste, incarnent la rénovation d’une gauche marxiste radicalement distincte de l’expérience soviétique. Ils ont également participé à la campagne contre Morsi en soutenant le mouvement Tamarod, mais l’un de ses dirigeants les plus connus, Hossam Al-Hamalawy, a attiré l’attention sur la nécessité de faire la distinction entre les promoteurs et coordinateurs centraux de Tamarod, inconnus jusqu’alors, et les nombreux activistes de cette organisation et d’autres qui, de manière décentralisée, se sont limités à diffuser et à soutenir sa campagne.
Les Révolutionnaires Socialistes considèrent, toujours selon Al-Hamalawy, qu’à l’époque de la présidence de Morsi et dans le cours des événements ultérieurs, il n’y a pas eu de réelle rupture avec l’ancien régime de Moubarak et que les ex-membres de ce dernier, la droite laïque et les dirigeants des Frères Musulmans, sont des alliés de classe même s’ils s’affrontent entre eux pour établir leur hégémonie politique. Le fait que la majeure partie des classes populaires donne son appui soit à l’armée, soit aux Frères Musulmans souligne, selon Al-Hamalawy, l’échec de la gauche à construire une alternative à la droite dite laïque et à la droite islamiste.
Les Révolutionnaires Socialistes ont qualifié la déclaration constitutionnelle du nouveau président de la République de « dictatoriale » et considèrent que le nouveau du gouvernement est « l’homme des banques et des investisseurs, ennemi de la justice sociale ». Après leur constat sur l’indiscutable échec de la gauche, la question est de savoir dans quelle mesure il pourrait être surmonté avec une posture équidistante entre un conglomérat dominé par la droite du régime de Moubarak qui n’a gagné aucune élection et un autre dominé par la droite islamiste qui, lui, a remporté des élections et qui, quand il était encore au pouvoir, se trouvait dans une position de plus grande faiblesse que le nouveau régime actuel.
Source :
http://www.rebelion.org/noticia.php?id=171554&titular=panorama-de-las-fuerzas-pol%EDticas-egipcias-frente-a-la-revoluci%F3n-y-la-involuci%F3n-
Traductions françaises pour Avanti4.be : Ataulfo Riera