22 juin 2014
On s’attendait à ce que le populiste et xénophobe radical Geert Wilders allait complètement bouleverser l’espace politique de la droite ; que le Parti Socialiste (SP, gauche radicale, NdT), « également anti-UE » (selon l’image diffusée par les médias), bénéficierait d’un vote protestataire suffisamment grand que pour mettre K.O la gauche traditionnelle et que la participation électorale atteindrait un minimum historique, à la mesure de l’indignation, de la désillusion ou du désintérêt de la population. Telles étaient les prédictions généralement admises par les médias quant aux résultats probables des élections européennes du 25 mai aux Pays-Bas.
La réalité a été très différente. Le taux de participation a été de 37%, ce qui est normal. Le Parti de la Liberté (PVV) de Wilders n’a pu préserver que 4 des 26 sièges hollandais au Parlement européen. Le SP a augmenté ses résultats de 7% (en 2009, NdT) à 9,5%, soit un peu moins que ce qui était attendu et il n’a pas gagné de siège supplémentaire. La résultat net par rapport aux grands partis est qu’un siège est « passé » de la Gauche Verte (GL), sans cesse plus intégrée au système et de plus en plus pro-UE, aux sans cesse plus néolibéraux (et très pro-UE) Démocrates ’66 (D66).
Tout cela est en réalité insignifiant dans le climat et le paysage politique actuels. La Gauche Verte n’a pas cessé de se tromper depuis son erreur de calcul désastreux qui l’a amenée à apporter son soutien à la présence militaire hollandaise dans la province de Kunduz en Afghanistan. Une combinaison faite de chaos interne, d’image médiatique honteuse et de virage de plus en plus serré à droite pour une ancienne force de gauche, l’a électoralement ébranlée. La perte d’un seul de ses trois sièges européens est en quelque sorte un succès pour elle du point de vue de la gestion des dégâts.
D66 a également rapidement évolué vers la droite sur les questions économiques et se présente ouvertement comme le nouveau visage plus acceptable du néolibéralisme, tandis que son partenaire dans la coalition de droite au pouvoir, le parti Liberté et Démocratie (VVD) du Premier ministre Mark Rutte, est tombé en disgrâce sous la pression électorale de Wilders, d’une part, et de la modeste remontée des partis du centre laïc et confessionnel, de l’autre.
Les seules caractéristiques intéressantes de ces élections semblent marginales, mais elles sont en réalité beaucoup plus importantes qu’elles n’y paraissent.
La première est que le siège supplémentaire accordé aux Pays-Bas dans le Parlement européen (il y a 5 ans, on élisait 25 députés européens) a été remporté (sur le fil) par le Parti pour les Animaux. La présence du premier représentant authentique des droits des animaux et de l’environnement à Bruxelles est bien entendu en soi un saine rupture politique avec le système, mais en outre ce parti innovateur défend un ensemble cohérent de politiques radicales sur des questions qui vont bien au-delà de l’environnement et du bien être animal, et il a voté de manière cohérente à gauche dans le Parlement national où il compte 2 élus sur les 150 sièges. Bien qu’il ne s’en vante pas, c’est un parti fermement ancré à gauche et il va continuer à progresser électoralement et à jouer un rôle petit, mais significatif, dans la politique réellement de gauche dans le pays.
La seconde est que, pour la première fois, le Parti Socialiste (malgré une campagne médiocre, peu imaginative et avec une charge en grande partie négative) a obtenu plus de votes dans tous le pays que le parti social-démocrate traditionnel : le Parti du Travail (PvdA) ; soit 9,6% face à 9,4%. La différence est minime, mais elle peut faire psychologiquement très mal au PvdA dans la mesure où il s’éloigne de plus en plus de sa base de soutien traditionnelle en défendant allègrement d’abord, puis en votant, et aujourd’hui en imposant en tant que partenaire gouvernemental, les programmes d’austérité du VVD.
Bien entendu, ce programme d’austérité est exigé par la Commission européenne à Bruxelles, mais le VVD est de toute façon enchanté de le mettre en pratique, même quand il prend maladroitement ses distances avec les fédéralistes extrêmes au sein de sa propre fraction dans le Parlement européen, comme c’est le cas envers leur chef et ex-Premier ministre belge Guy Verhofstadt.
Le système électoral hollandais, qui permet aux partis de « regrouper » leurs listes électorales pour profiter des pourcentages restants après la répartition des sièges, a permis que la Gauche Verte puisse donner ses votes « superflus » au PvdA, en lui permettant ainsi d’obtenir 3 sièges face aux 2 gagnés par le SP, et cela en dépit du score légèrement inférieur des sociaux-démocrates.
Le fait que le PvdA n’est plus certain d’être le plus grand parti de la gauche (dans la mesure où il serait encore de gauche !) ouvre une fenêtre d’opportunité encore plus grande pour le SP et pour d’autres partis : il s’agit d’une avancée petite, mais historique, qu’il doit encore être confirmée lors d’élections plus importantes. Après les élections municipales du mois de mai dans tout le pays, où le PvdA a obtenu des résultats désastreux et le SP d’excellents scores, les résultats des européennes sont peut-être ainsi un pas de plus dans la voie d’un important rééquilibrage entre les forces politiques aux Pays-Bas.
La question post-élections européennes n’est donc pas de savoir lequel des partis du système jouit temporairement des meilleurs places sur le pont du navire européen, mais bien de savoir si la gauche hollandaise pourra dépasser la social-démocratie là où cela compte ; au niveau local et, surtout, à La Haye.
Will Wroth est membre du Parti Socialiste (SP) à Rotterdam.
Source : http://links.org.au/node/389
Traduction française pour Avanti4.be : G. Cluseret.