27 mai 2013
La crise économique mène à une diminution des budgets de défense européens et certains milieux trouvent cela alarmant. Rasmussen, le secrétaire général de l’OTAN, parle d’une « brèche croissante et dangereuse » autant au sein de l’OTAN qu’avec le reste du monde. Pour l’industrie de défense, ce serait « une question de survie ». La réalité est légèrement différente...
Le général Patrick de Rousiers, président du Comité militaire de l’Union européenne, considère que l’Europe est en train de se « désarmer » parce que la part des dépenses militaires dans le monde à diminuée de 29% à 20%. Même son de cloche du côté de l’industrie de la défense. « C’est une question de survie » dit Christian-Peter Prinz zu Waldeck, le directeur de la Fédération allemande de l’industrie de défense. Selon lui, la solution serait plus d’exportation d’armes.
Il semblerait ainsi que l’Europe militaire ressemble à un navire en train de couler. Mais derrière cette propagande « catastrophiste » se cache une toute autre réalité.
Dans le rapport du « Center for Strategic and International Studies » (CSIS, décembre 2012) on peut lire que les revenus de l’industrie militaire européenne ont augmenté de plus de 50% (de 58 milliards à 91 milliards d’euro) entre 2001 et 2011. Entre 2001 et 2006, les dépenses militaires des Etats membres de l’Union européenne ont augmenté de 10%. Et s’il y a bien des économies sur le budget de la défense, cela concerne surtout des économies sur le personnel.
L’industrie militaire européenne s’est plus concentrée ces dernières années sur l’exportation en dehors de l’Europe. Selon les derniers chiffres européens officiels, l’ensemble des Etats européens ont octroyé en 2011 des licences d’exportation d’armes pour une valeur de 37,5 milliards d’euro, soit une augmentation de 20% par rapport à 2010 !
Pour maintenir ces « bons » chiffres en temps de crise économique difficile, l’industrie de la défense est active sur tous les fronts. Les Etats membres de l’UE se moquent royalement des 8 critères éthiques concernant l’exportation des armes. En 2012, à peine 0,82% de licences ont été refusées. Avant les révolutions arabes, des armes sont arrivées dans des pays comme le Bahreïn, l’Arabie Saoudite, le Lybie, l’Egypte et la Syrie. Ce « marché arabe » est jusqu’à aujourd’hui un des plus importants marchés pour l’exportation des armes.
Aucun secteur dans la société n’est autant lié et enchevêtré que l’industrie militaire. Les budgets européens de la défense de la plupart des Etats membres de l’UE sont, en chiffres absolus, plus élevés qu’en 2001. Le budget commun de défense de la France, de l’Allemagne et du Royaume Uni était plus élevé en 2011 (172,9 milliards de dollars) que celui de la Chine (143 milliards de dollars). Pour l’OTAN, la norme est toujours que 2% du Produit intérieur brut (PIB) doit être destiné à la défense. Même si la plupart des Etats membres de l’UE sont (parfois largement) en dessous de ces 2%, cela exerce une pression en faveur du complexe militaro-industriel.
Certains milieux militaires pointent du doigt la brèche croissante avec les Etats-Unis. Mais ils omettent de mentionner que le budget de la défense nord-américaine est très élevé (4,7% du PIB en 2011) et cela explique pour une partie le déficit énorme de ce pays, tandis que la pauvreté et le chômage montent en flèche. Même si les budgets de la défense européens ont diminué, ils représentent toujours 20% du total des dépenses mondiales pour une population qui représente à peine 7% de la population mondiale.
Les budgets de la défense et les contrats militaires reçoivent un traitement prioritaire, même en ces temps économiques difficiles. Le complexe militaro-industriel tire profit de nouvelles commandes alors que les politiques d’austérité sabrent dans les dépenses sociales.
Une enquête de la « Campagne contre le commerce militaire » au Pays-Bas révèle que des dépenses militaires élevées ont contribué d’une façon significative à l’énorme crise de la dette dans des pays comme le Portugal, la Chypre et la Grèce. Tandis que la France et l’Allemagne exigent de la Grèce d’énormes économies dans les dépenses publiques, ils se montrent bien plus souples quand il s’agit de leurs contrats militaires en cours avec ce pays. Le budget grec de la défense s’élevait en 2009 à 3,2% du PIB. La baisse dans le budget de la défense après 2009 est surtout due à des économies dans les salaires et les retraites du personnel travaillant dans le secteur de la défense.
L’Europe souffre de la crise économique, mais le secteur de la défense continue à engloutir de très grands morceaux des dépenses des Etats. Si tous les pays placeraient leur budget de la défense au niveau de l’Irlande - qui n’est pas membre de l’OTAN - à 0,6 du PIB, beaucoup de milliards pourraient être économisés ou être réinvestis dans une économie sociale et écologique, ce qui créerait aussi des emplois.
L’OTAN aime bien pointer du doigt toutes les menaces mondiales possibles et imaginables pour justifier des budgets de la défense élevés, mais le véritable défi pour la sécurité de l’Europe, ce sont les éléments socio-économiques comme le chômage des jeunes qui est scandaleusement élevé.
Cet article est l’éditorial du dernier numéro de la revue pacifiste flamande « Vrede » (mai-juin 2013)
http://www.vrede.be/
Traduction française du néerlandais pour Avanti4.be : Chris Den Hond