Arcelor Mittal : « On n’est pas des criminels ! »

Ataulfo Riera 10 février 2013

Les travailleurs d’Arcelor Mittal poursuivent leur combat pour le maintien de l’emploi et pour l’avenir d’une sidérurgie intégrée à Liège. D’abord « assommés » par l’annonce de la direction voulant supprimer 1.300 postes de travail, ils se sont rapidement lancé dans la lutte et sont aujourd’hui déterminés et « gonflés à bloc » dans leur volonté de sauver leur outil et leurs emplois par l’expropriation de Mittal. Beaucoup de travailleurs se disent déterminés : « Et si on échoue, alors on fera payer à Mittal un maximum ».

C’est sans nul doute cette détermination que les autorités veulent briser par une répression brutale, de même que pour montrer à l’opinion publique une image de « métallos casseurs » et pour isoler leur combat en empêchant la solidarité nécessaire. Or, les véritables casseurs, ce sont Mittal, les capitalistes qui licencient et leurs complices politiques, PS compris !

Après la répression subie à Bruxelles, puis à Namur, c’est à Strasbourg que les sidérurgistes ont subi les charges policières les plus dures ce mercredi 6 février, alors qu’ils voulaient manifester pour demander un soutien des parlementaires européens.

Le choix de « la stratégie de la tension » de la part des autorités françaises était clair : tout à été fait pour provoquer l’énervement des métallos. Comme nous l’explique un travailleur du site d’Ivoz-Ramet, « C’était un véritable guet-apens, un piège à cons ! Nous sommes partis à 28 cars, entre 1.500 et 2.000 travailleurs de la région liégeoise. A une vingtaine de Km de Strasbourg on a été arrêtés une première fois et les flics ont immobilisé les cars pendant une demi-heure avec interdiction de sortir pour fumer ou aller aux toilettes. Ensuite, arrivés aux abords de la ville, on a été stoppés une seconde fois, on nous a fait sortir des cars et on a été fouillés de la tête aux pieds, jusqu’aux chaussettes, comme des terroristes. Les cars aussi ont été fouillés et d’autres travailleurs venus en voiture ont également été arrêtés et fouillés. Tout ça pour saisir des boulons disent-ils. Ensuite, les bus nous ont amenés à Strasbourg dans une large avenue avec, devant nous, à gauche, à droite et derrière, des CRS. En gros, c’était ‘amusez vous dans cet espace pendant une ou deux heures, puis barrez-vous’. »

Gaz lacrymogènes, tirs tendus de flashballs, charges et matraquages vont alors se succéder. Avec un lourd bilan : plusieurs arrestations, dont deux travailleurs maintenus en garde à vue pendant plusieurs heures et au moins 14 métallos blessés, dont l’un très grièvement : John David, un jeune intérimaire de 25 ans travaillant à la Galva 7 d’Ivoz-Ramet et qui a perdu un œil : « Il s’est penché pour repousser une bombe lacrymo et a reçu une balle en plein dans l’œil. On a gueulé qu’il était sérieusement blessé mais les flics ne voulaient pas le laisser évacuer, ça a duré vingt minutes comme ça avant qu’on laisse passer une ambulance. John est vraiment un gentil garçon, le premier à rendre service et il est toujours en ce moment hospitalisé en France. On nous traite comme des criminels alors qu’on ne fait que défendre nos emplois ! »

Suite à Strasbourg, plusieurs responsables syndicaux ont évoqué un recentrage des actions en Belgique et ne plus vouloir organiser des manifestations à l’étranger - mis à part la manifestation prévue au siège d’Arcelor Mittal à Luxembourg, et dont la date n’a pas encore été fixée. Mais, comme les exemples de Bruxelles et Namur le démontrent, la répression sauvage se déchaîne aussi en Belgique. Cette répression, couplée avec la succession de mauvais choix de la part du gouvernement, indique plus que jamais que les politiciens représentent tout, sauf les intérêts légitimes des travailleurs. Pendant que les politiques, PS en tête, ne montrent à Mittal qu’un gros doigt, à peine menaçant, les travailleurs eux, sont criminalisés parce qu’ils ont le courage que « nos » dirigeants n’ont pas ; gueuler parce que c’est injuste, refuser de baisser la tête, refuser de se laisser déposséder. Alors quelle légitimité ont encore ces gouvernements, incapables de défendre les travailleurs et par contre prêts à les réprimer dans la violence pour défendre des patrons visiblement intouchables ?

Les travailleurs d’Arcelor symbolisent la répartition des camps ; d’un côté il y a nous, qui pourrions être dans leur situation du jour au lendemain, ou dont un frère, un père, un cousin, un ami, s’est retrouvé tabassé par les flics parce qu’il refusait de céder ; et de l’autre côté il y a eux, les patrons, leurs gouvernements à la botte et leur police prête à bondir comme un chien de garde.

Les travailleurs d’Arcelor nous montrent, par leur situation, une limite que nous ne pouvons plus ignorer, au-delà de laquelle les travailleurs n’ont plus rien à espérer, ni de la part des patrons, ni de la part du gouvernement. Alors plutôt que d’abandonner des perspectives de mobilisations internationales et de convergence dans la lutte avec les sidérurgistes luxembourgeois et français, il faut au contraire poursuivre cet espoir pour les travailleurs, qu’est la reconstruction d’une solidarité de classe, qui mettra enfin les exploiteurs face à un mouvement organisé et fort. Faute de quoi, nous seront mangés un par un, restructuration par restructuration, fermeture après fermeture. Mais pour ce faire, il faut commencer à se poser la question pratique du comment. Et dans ce cas en particulier, il est temps de poser la question de l’organisation d’un service d’ordre des métallos afin de protéger leurs manifestations contre une brutalité policière qui est, elle, fonctionne à merveille et n’a ni retenue ni frontière.